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Un nouveau statut « OMNIO » pour élargir la couverture en soins de santé

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Santé conjuguée n° 39 - janvier 2007

Dans le cadre d’une volonté exprimée d’ « améliorer la protection des patients », le ministre des Affaires sociales, Rudy Demotte, a la volonté de créer, dans le cadre de l’assurance maladie, un nouveau statut « OMNIO » qui remplacerait le statut « BIM » (bénéficiaire de l’intervention majorée) actuel. Ce nouveau dispositif devrait avoir des conséquences positives sur l’accès aux soins de santé, car il corrigerait certains travers du système actuel.

Actuellement, pour bénéficier du statut « bénéficiaire de l’intervention majorée » BIM, il faut répondre à la fois : – à des conditions de statut social : être VIPO (veuf, pensionné, invalide, orphelin), ou posséder certains autres statuts : chômeur de plus de cinquante ans, bénéficiaire du revenu minimum d’insertion, etc. – à des conditions de revenus. Ce système exclut certaines personnes qui ont des revenus faibles mais qui n’ont pas le statut social nécessaire. Le système « OMNIO » devrait « corriger le tir » en s’appuyant exclusivement sur la notion de revenus du ménage. Demain, il faudra(it) donc seulement répondre à des conditions de revenus. Il s’agit donc bien d’étendre le droit au tarif préférentiel en matière de soins de santé à tous les ménages dont les revenus se situent en-dessous d’un niveau à déterminer. Le nouveau statut « OMNIO » protégerait donc toutes les personnes économiquement vulnérables, sans autre condition.

Quels moyens pour cet élargissement ?

D’après le communiqué de presse du 16 octobre 2006, « Selon les prestations concernées, le bénéficiaire de l’intervention majorée verra sa contribution personnelle réduite à un montant représentant entre zéro et 15% des honoraires, au lieu de 25% en règle générale pour un assuré ordinaire. » Le budget prévu par le ministre est de 50 millions d’euros en 2007, mais il semble que la nouvelle réglementation ne sera pas appliquée avant le 1er juillet 2007 ce qui signifie une prévision de 100 millions sur base annuelle. Le surcoût du statut préférentiel peut être estimé à 25% donc ces 100 millions correspondent à des dépenses actuelles de 300 millions chez les assurés ordinaires. Le budget global des soins de santé est de l’ordre de 19 milliards d’euros. Le coût moyen d’un assurés ordinaires était de 763,28 €/an en 2003, en « indexant » sur le budget global le coût actuel doit friser les 1000 €/an. Donc en supposant que le coût moyen des futurs « OMNIO » est égal au coût moyen des assurés ordinaires, cela signifie que ce budget est prévu pour 300 millions divisés par 1000 soit 300.000 personnes presqu’autant que les BIM actuel (hors VIPO). Cela suppose donc un quasi doublement de cette catégorie ! ! Nous ignorons évidemment tout des statistiques réelles de revenus en Belgique.

Une belle initiative, qui améliorera l’accès financier aux soins

Cette mesure d’amélioration de l’accès aux soins en priorité pour les populations précarisées rejoint un de nos objectifs énumérés dans le cahier de propositions politiques de la Fédération des maisons médicales. Les personnes en situation économique précaire mais ne rentrant pas dans les statuts qui donnent actuellement accès au remboursement préférentiel se recrutent essentiellement parmi les travailleurs à bas revenus, les familles monoparentales (souvent des femmes seules) et les chômeurs de longue durée âgés de moins de cinquante ans. Cette réforme combat aussi une partie des « pièges à l’emploi », ce qui nous apparaît favorable à la réinsertion sociale outre qu’économique. En effet, dans le système actuel, le chômeur ou l’invalide qui parviennent à quitter ce statut (en trouvant du travail) perdent automatiquement leur droit au régime préférentiel en matière de soins de santé, et tous les avantages associés, même si leur situation économique reste précaire.

Conséquences pour les maisons médicales et la première ligne

Nous savons que les maisons médicales soignent une grande proportion de personnes en situation précaire. Cela a été partiellement démontré pour les maisons médicales au forfait, par l’analyse des statuts actuellement existants : plus d’invalides, plus de bénéficiaire du statut BIM non VIPO (chômeurs longue durée de plus de 50 ans et bénéficiaires du revenu minimum d’intégration). Une de nos hypothèses est que la proportion de personnes en situation de précarité économique parmi les assurés ordinaires (et donc de personnes qui bénéficieront de ce nouveau statut OMNIO) est plus grande dans les maisons médicales aussi. Un effet secondaire de cette mesure pour le forfait à la capitation sera donc l’augmentation du nombre de bénéficiaires de l’intervention majorée. Ces personnes surreprésentées dans les maisons médicales généreront un meilleur financement pour nos centres. Subsidiairement cela entraînera une légère diminution des forfaits assurés ordinaires. Pour les maisons médicales à l’acte, comme pour tous les prestataires de santé qui pratiquent le tiers-payant de façon importante, en réponse à la situation financière difficile de leurs patients, verront aussi leur travail mieux rémunéré.

Bémols

Si nous applaudissons à cette mesure, il ne faudrait pas en rester là. Le problème avec l’existence de deux niveaux de remboursement « coupés au couteau » c’est l’effet de seuil. Tous les patients qui dépassent, même modestement le plafond de revenus déterminés pour l’octroi du remboursement « préférentiel », perdent évidemment le bénéfice de ce meilleur remboursement. Des systèmes plus nuancés, soit continus, soit avec un plus grand nombre de niveaux pallieraient ce problème, mais ne semblent pas être prévus. De plus, il est à envisager que cette mesure augmente l’accès aux soins primaires pour les personnes en situation précaire, mais pas aussi bien leur accès à la deuxième ou troisième ligne, où des compléments d’honoraires sont plus fréquemment demandés. Enfin, ce type de mesure risque de cantonner encore plus les patients défavorisés aux soins de première ligne, phénomène bien démontré par les études de l’ Organisation de coopération et de développement économiques. Les personnes plus aisées, qui elle, ont peu de problèmes d’accès direct en deuxième ligne, utilisent probablement trop peu la première ligne. L’accès aux soins de première ligne doit être favorisé à terme pour tous les citoyens. Les mesures à envisager pour cela sont diverses : il y a bien sûr l’échelonnement des soins, mais aussi des mesures d’attractivité au niveau de la structure et de l’organisation des services rendus : état du bâtiment, flexibilité horaire, interconnexion des données entre patients « branchés » et les centres de santé intégrés, etc. Il s’agit aussi, bien sûr de considérer tous les autres obstacles à l’accessibilité, géographiques, culturels, linguistiques, organisationnels, etc.

Documents joints

Cet article est paru dans la revue:

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