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Travailler en promotion de la santé, ça ne s’improvise pas

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Santé conjuguée n° 55 - janvier 2011

La promotion de la santé ne s’improvise pas. Pour arriver à des réalisations, il est indispensable de dégager du temps et des personnes, de travailler ensemble et de manière structurée. Voyons comment cela se passe à la maison médicale de Bomel.

Historique du poste de promotion de la santé à la maison médicale de Bomel Un « historique » du poste de promotion de la santé au sein de la maison médicale de Bomel permet d’en parcourir les différentes étapes et montre combien la pratique et la réflexion en sont toujours en mouvement. La fonction « promotion santé » existe depuis plus de huit ans à la maison médicale. Au départ, elle reposait sur le réaménagement d’horaire de l’un des médecins. Si dans les premiers temps, le fait qu’un médecin en prenne seul la charge nous a paru efficace en termes d’expertise par rapport au médical, cette approche a vite montré ses limites. Dans un deuxième temps, l’aide d’une infirmière diplômée en santé communautaire, au début ponctuelle, s’est révélée précieuse. Mais après trois ans de ce mode de fonctionnement, la maison médicale a été forcée de se rendre à l’évidence, il fallait créer une « cellule promotion santé ». Cette cellule compte un représentant de chaque secteur : accueil, infirmier, kinésithérapeute, médecin, assistant social. Ceci permet une intégration des différents secteurs. Elle se réunit toutes les six semaines. Lors de ces réunions, nous discutons ensemble des différents projets, nous étudions des adaptations et programmons un suivi des objectifs et des évaluations. Avant d’être mis sur pied, tous les projets sont proposés en équipe. Pour qu’ils fonctionnent, il faut en effet qu’ils répondent à un besoin d’équipe et bénéficient de son soutien. Actuellement, on peut dire que le poste promotion de la santé est porté par trois personnes « piliers » : l’assistant social, l’infirmière en santé communautaire et le médecin, et est « supportée » par la cellule promotion santé. Le médecin y consacre 15 heures par semaine comprenant les différents temps de réunion, l’animation de groupes, la responsabilité de projets, les consultations en individuel (sevrage du tabac, gestion du stress) et le travail de « gestion de soins » au sein de la maison médicale (cfr plus loin). L’infirmière en santé communautaire y consacre 8 heures par semaine, y compris en ce qui concerne le suivi individuel de personnes diabétiques. L’assistant social y consacre environ 12 heures par semaine. En outre, depuis quelques mois, le secteur accueil débloque 5 heures par personne (trois accueillantes) pour des projets en promotion de la santé. Différentes formations ont été suivies, entre autres à la Fédération des maisons médicales, afin d’acquérir une meilleure connaissance pour la mise en place de projet, par exemple en termes de boucle d’assurance de qualité.

Les missions

Actuellement, cette cellule remplit différentes missions : aide à la coordination des différents projets de promotion de la santé ; mise en place de boucle d’assurance de qualité avec l’aide du responsable de projet ; désignation des responsables de la rédaction des différents rapports d’activités ; aide à l’évaluation des différents projets (chaque projet est évalué au moins une fois par an). Pour chaque projet, il y a un à deux responsables de projet, dont un des trois « piliers » promotion santé. La liste des projets ’promotion de la santé’ est particulièrement éclectique : cours de relaxation, gymnastique d’entretien, gymnastique du dos, massage bébé, gestion de la salle d’attente, journal, fiches prévention, mammotest, vaccins contre la grippe, fiches diabète, suivi pluridisciplinaire des diabétiques centralisé par l’infirmière, facteurs de risque cardio-vasculaires, listing de brochures spécialisées, comité de quartier et projets de collaboration (projet marche, projet photo), potager communautaire, groupe d’animation tabac, consultations individuelles en tabacologie, tableau de bord, groupe patients, étude sociale du quartier. D’autres missions plus spécifiques à la « gestion des soins » sont portées par le médecin et l’infirmière, liées plus ou moins à la promotion de la santé de manière indirecte. Leurs objectifs généraux sont de trois ordres : • garantir le respect de l’idéologie de la maison médicale de Bomel, conformément à notre Charte ; • analyser les besoins de la population pour améliorer la prise en charge des patients et en tirer des propositions faites en réunion d’équipe ; • stimuler l’équipe « soignante » (accueil, infirmier, kinésithérapeute, médecin, assistant social, promotion santé) par rapport aux objectifs décidés en équipe. Parmi les différents projets dont la gestion de soins est directement responsable en 2010, citons la responsabilité « tableau de bord » ; la réflexion sur le secret partagé ; la réflexion sur l’organigramme de l’accessibilité de la maison médicale suite à l’arrêt des inscriptions il y a deux ans, nous évaluons la situation et la réadaptons si nécessaire ; la mise en place d’un cahier de liaison au domicile du patient ; les relations extérieures avec les autres institutions sous la responsabilité de l’assistant social ; la réflexion autour de la gestion des patients « chroniques » ; l’aide à la communication entre les différents secteurs ou à la mise en place de nouveaux horaires. Ce que la promotion de la santé apporte La promotion de la santé élargit le champ de vision des soignants, libère les patients d’une forme de dépendance à la médecine et ouvre l’institution sur son milieu d’activité. Le côté curatif de l’activité occupe vite toute la place si on ne consacre pas du temps « autre » aux patients, temps qu’il faut prendre de manière systématique. La promotion de la santé permet de dépasser le niveau curatif et d’élargir les approches. C’est ainsi, par exemple, qu’en évaluant des problématiques individuelles dont on finit par se rendre compte qu’elles sont redondantes, on arrive à développer des actions collectives. Du côté des patients, la promotion de la santé les incite à acquérir et à développer d’autres ressources leur permettant d’être davantage acteurs de leur santé. Dans la recherche effectuée par la maison médicale sur les déterminants sociaux de la santé, nous avons remarqué que beaucoup de nos patients sont comme dépendants d’une médecine traditionnelle et nous avons l’impression que nos différents projets leur apportent la possibilité de s’en libérer, de s’autonomiser et de prendre confiance en eux. Grâce à la promotion de la santé, nous ne restons pas enfermés dans notre seule pratique interne, mais nous prenons conscience de la nécessité d’avoir une « vision méta » de la santé au niveau d’un quartier. C’est pourquoi nous oeuvrons avec la population locale, et pas uniquement avec les patients, et développons des activités qui répondent aux besoins du quartier, par exemple en travaillant sur l’aménagement du territoire, les espaces verts notamment, ce qui est une manière de travailler sur différents déterminants de la santé.

Les leçons de l’expérience

Pour la promotion de la santé, il nous semble important : • Qu’il n’y ait pas qu’une personne responsable, mais au moins deux ; dans notre maison médicale, notre trio permet d’aborder les aspects médicaux, communautaires et sociaux de la promotion de la santé grâce à nos différentes sensibilités et formations (médicale, de santé communautaire, assistant social et licencié en sciences humaines). • De se dégager du temps de consultation curatif ce qui permet au médecin d’avoir une vision plus « panoramique » des situations au sein de la maison médicale. • De prendre conscience que c’est à la fois un travail institutionnel (philosophie des maisons médicales), un travail d’équipe (sans le soutien de l’équipe, notre travail n’a aucun sens), un travail de réseau (comité de quartier, acteurs locaux…) et avec le patient (dans la finalité d’un patient acteur de sa santé). • La promotion de la santé est une affaire de pluridisciplinarité. • Qu’il y ait du temps dégagé pour les projets de manière systématique et non quand c’est nécessaire.

Documents joints

Cet article est paru dans la revue:

Santé conjuguée, n° 55 - janvier 2011

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