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Quelle démarche locale pour agir sur les déterminants de la santé et réduire des inégalités sociales de santé


Santé conjuguée n° 60 - avril 2012

Dans un contexte où se conjuguent la croissance des inégalités et le désengagement de l’Etat, la pertinence de l’investissement local en faveur de la santé se manifeste au travers de multiples initiatives telles les ’Villessanté’ ou en France les contrats locaux de santé. A l’aide d’outils tels que les études d’impact en santé et se basant sur la participation de la population dans une dynamique de collaboration, ces initiatives locales pourront rencontrer les problématiques d’aujourd’hui à condition de résoudre la question des moyens.

Santé, communauté, participation Développer une communauté en santé s’inscrit dans un cadre d’action stratégique en promotion de la santé. En effet, la promotion de la santé concerne la création des conditions environnementales, sociales, économiques, culturelles et politiques globales qui permettent et favorisent l’amélioration de la santé(A). Le rôle reconnu aux communes dans la protection et le développement de la santé de leur population a évolué tant au travers des stratégies internationales que des impératifs nationaux. Dès la déclaration d’Alma-Ata (Organisation mondiale de la santé 1978), les préalables à ’la santé pour tous’ (la nourriture en quantité et en qualité, une éducation de base, un logement décent, un revenu minimum, un statut social, la sécurité et la paix) pointaient les matières et les services gérés par les villes. Les influences des études sur les déterminants de la santé et du programme ’Agenda 21’ sont venues accélérer le processus d’engagement des communautés. En lançant en 1986, le projet ’Villes-santé’ destiné à soutenir la stratégie de la ’Santé pour tous’, l’Organisation mondiale de la santé mettait en évidence la responsabilité et l’efficacité des politiques et des actions locales pour la protection et l’amélioration de la qualité de vie de tous. Dans nombre de pays occidentaux, les choix budgétaires, le désengagement de l’état face à la complexité des problématiques qui touchent à la santé des populations, la responsabilisation des personnes et la mobilisation des ressources locales ont marqué la reconnaissance des démarches de proximité et la légitimité des communes à agir pour la santé de leurs citoyens. De multiples initiatives locales ont vu le jour soit sous le label ’Villes-santé’, soit par l’organisation de centres de santé municipaux (France), ou part l’émergence de projets locaux de promotion de la santé (Fédération Wallonie Bruxelles). La préoccupation croissante des inégalités sociales de santé s’est concrétisée au travers des mécanismes de soutien tels que des appels d’offre (Fondation Roi Baudouin, ministère de la Santé de la Fédération Wallonie Bruxelles, les ’Ateliers santé ville’ en France), ou de nouveaux dispositifs (le plan de cohésion sociale des villes et communes wallonnes, les contrats locaux de santé en France) voire une régionalisation de la santé par la mise en place des Agences régionales de santé en France. Les textes et déclarations nous rappellent que l’engagement local en faveur de la santé implique la participation de tous les citoyens en tant que professionnels, élus ou habitants : pour mobiliser et prendre appui sur les capacités et les ressources de la communauté, pour agir la démocratie et renforcer la solidarité. Les choix politiques sont orientés vers les investissements pour la santé, l’équité en diminuant les écarts de santé et l’information en ce qui concerne les impacts sur la santé. Les modes de gouvernance abandonnent la gestion hiérarchique et compétitive pour une gestion collégiale et collaborative, décloisonnent les disciplines et se rapprochent de plus en plus de la démocratie participative. Territoire et santé La ville peut concourir à détruire la santé et l’homme lui-même parfois, mais elle est aussi un lieu de vie, de culture, de promotion sociale, d’échanges, de loisirs, de création. Les compétences communales sont des leviers pour le développement de la santé car elles agissent sur de nombreux domaines de la vie quotidienne des citoyens : emploi, logement, culture, éducation, mobilité, environnement, sécurité, insertion sociale, urbanisme, aménagement du territoire. Par ailleurs, il ne faut pas oublier que le lien territorial rappelle l’unicité de chaque capital social (acquis individuel), ce dernier participant à la construction et au maintien des valeurs culturelles partagées par une communauté (capital local). « Le territoire constitue le socle des relations entre les individus qu’il dote d’un sens supplémentaire : le sentiment d’appartenance à la communauté d’un village, d’un quartier …et de participer d’un destin commun »(B). Aujourd’hui, les villes constituent des lieux de ressources majeures pour la santé et l’intégration sociale des habitants. Mais, aussi, elles accumulent des problématiques à la manière d’un mille-feuille où se superposent des fragilités sociales, des accidents de santé, des dépendances multiples, de la pauvreté, de l’insalubrité, de la pollution, de l’analphabétisation, etc. C’est en première ligne que se situent les élus locaux. Un élu local connaît sa ville et les habitants. Il connaît les quartiers et dans ses relations avec les habitants, les membres d’associations, des professionnels, il prend connaissance des questions de santé qu’elles soient fortement ou faiblement identifiées. Par ailleurs, il connaît aussi les équipements et les services communaux, les actions de proximité. Sa position au coeur de sa commune recoupe quatre fonctions transversales : d’interpellation et de médiation, de communication, de coordination des ressources locales, de soutien aux projets de proximité. De service à service, de compétence à compétence, l’élu local a cette légitimité à interpeller, à faire se rencontrer les personnes, à mobiliser les relais qu’ils soient associatifs, individuels ou de groupes. Au-delà de l’autorité pour le faire, il peut mettre à profit les espaces, les réunions et les rencontres initiées par la ville ou non, où se croisent bon nombre d’acteurs qui se connaissent et faciliter ainsi de meilleures réponses aux besoins du terrain. L’élu a le pouvoir d’activer des systèmes, des dispositifs, des partenaires. Il en appelle aux autorités publiques compétentes. Supports de communication, animations de quartier, lieux relais, bulletins communaux, sites internet, événements pour et avec la population : la ville a la possibilité de développer ces informations utiles à tous, comme elle peut aussi relayer les campagnes régionales ou nationales pour lesquelles elle peut adapter les messages et viser une meilleure appropriation par ses habitants. Qu’elles soient issues des dispositifs législatifs ou d’autres mécanismes, les ressources du territoire sont connues des élus. Trouver de la ressource sur son territoire, nouvelle ou non, mettre à plat les budgets, solliciter des financeurs potentiels à partir de projets, initier des réseaux, développer le tissu associatif, l’élu local a cette capacité à mobiliser et à coordonner les initiatives pour le plus grand profit des habitants. « Starter ou prolongateur » d’une action locale, l’élu se trouve fréquemment dans cette légitimité à conjuguer actions individualisées et actions collectives. Le rôle de l’élu est de soutenir les projets qui émanent de sa commune, de souligner leur pertinence pour répondre à telle ou telle demande des habitants. Il intervient dans le cadrage politique du projet. Sur un plan méthodologique, il suit la mise en place de certaines phases comme l’installation d’un comité de pilotage, la définition d’objectifs, les orientations en matière d’évaluation. Il peut aussi viser selon les cas, à une recherche de co-financement et à une meilleure appartenance de sa commune à des programmes régionaux, nationaux ou internationaux(C).

Les ’Villes-santé’

L’objectif du projet ’Ville-santé’ est d’améliorer le bien-être des citoyens qui y vivent, en s’appuyant sur les orientations de la stratégie ’Santé pour tous’ de l’Organisation mondiale de la santé1, des principes de la promotion de la santé définis par la Charte d’Ottawa2 et de ceux de ’l’Agenda 21’ pour le développement durable. Imaginé au Canada en 1984, dans la foulée du colloque Healthy Toronto 2000 : Beyond Health Care, lancé en Europe en 1986 par l’Organisation mondiale de la santé puis, déployé à la grandeur de la planète, le mouvement international ’Villes-santé’ regroupe maintenant au-delà de 3000 municipalités. Toutes ces municipalités ont un objectif commun : promouvoir la santé de leurs citoyens et de leur environnement. Selon les initiateurs du concept, « une ’ville en santé’ est une municipalité qui met en place et améliore continuellement son environnement physique et social et qui utilise les ressources de la communauté afin de rendre ses citoyens aptes à s’entraider mutuellement dans la réalisation de leurs activités courantes et à développer leur plein potentiel »1. C’est donc une municipalité où les décideurs locaux mettent un accent sur la santé des citoyens conçue dans une optique élargie de qualité de vie, en déployant diverses activités où l’engagement de la structure politique municipale, la collaboration de divers secteurs d’activité et la participation des citoyens sont des éléments centraux. Au travers de la promotion de la santé et du développement durable se déclinent des valeurs de respect de l’environnement, de justice sociale et de développement économique solidaire traversées par des stratégies participatives, intersectorielles et partenariales. Une ’Ville-santé’ se reconnaît à : • Sa volonté de répondre aux besoins essentiels des citoyens ; • La qualité de son environnement ; • La force de son tissu social ; • La richesse de la vie culturelle ; • Le dynamisme et la diversité de son économie ; • Ses conditions d’accès aux services à la population ; • La participation des habitants aux décisions qui les concernent ; • L’état de santé de la population. Le point de départ d’une ’Ville-santé’ est la volonté des élus locaux de mettre en place une gouvernance partagée en faveur de la santé et du bien-être. Cette approche d’intégration de la santé dans toutes les politiques suppose que l’action concertée soit un impératif, qu’elle repose sur des interactions entre secteurs différents et prenne en compte les intérêts différents. Trois conditions de réussite sont mises en avant : l’installation de processus transparents, participatifs et de reddition de comptes, l’association avec les secteurs privés (marchands et non-marchands) et l’établissement de partenariats dans la confiance(D). Les ’Villes-santé’ se rattachent à des valeurs d’équité, de participation, de solidarité et de développement durable. En ce qui concerne l’équité, il s’agit de lutter contre les inégalités en santé et de prendre en considération les besoins des personnes vulnérables et socialement défavorisées. Elle inclut le droit à la santé pour tous sans distinction fondée sur le genre, la race, les croyances, la religion, l’orientation sexuelle, le handicap, les niveaux socio-économiques. Il s’agit également de garantir le droit individuel et collectif des personnes à participer au processus décisionnel ayant un effet sur leur santé, les soins de santé qui leur sont dispensés et leur bien-être. Dans ce sens, le renforcement de l’autonomie est recherché et les modes de pensée positif encouragés. L’équité passe par la solidarité et l’esprit de paix et d’amitié qui prévalent dans l’établissement de réseaux respectant et valorisant les diversités sociale et culturelle. Toute décision devra garantir que le développement économique et tout ce qui lui est nécessaire soient durables sur le plan environnemental et social. Le fait que les principes et les processus de la promotion de la santé et de ’l’Agenda 21’ local se rencontrent, apporte un cadre opérationnel aux actions des ’Villes–santé’. C’est le cas dans le canton de Genève (Suisse) où ’l’Agenda 21’ cantonal comporte les sept actions du volet ’Villes -santé’ : promotion communautaire de la santé et de la qualité de vie dans les quartiers, alimentation saine et équilibrée, lutte contre la sédentarité et promotion de l’activité physique, habitat et bien-être, tabagisme passif dans les lieux publics, le bruit et les jeunes, prévention des traumatismes dus aux accidents de la route (sécurité routière durable). Réunis à Zagreb en 2009, des maires et hautes autorités de villes européennes ont affirmé leur engagement en faveur de ces principes et valeurs des ’Villes-santé’ et leur volonté de donner une expression locale aux différentes déclarations en faveur de la santé. Au-delà, ils se sont prononcés pour inscrire la santé et l’équité en santé dans toutes les politiques locales. Ils déclarent « faire de la santé, de l’équité en santé, de la justice sociale et du développement durable, les valeurs clé de notre vision du développement de nos villes et introduire des processus appropriés pour évaluer l’impact sur la santé et assurer le renforcement des capacités pour permettre à tous les secteurs de maximaliser leur contribution en faveur de cet objectif. Sont cités également : la gouvernance éthique, la mobilisation des moyens, l’application au secteur public à titre d’exemple pour le secteur privé, l’instauration des démarches intégrées et systématiques pour des changements qui facilitent le travail interdisciplinaire et multisectoriel »(E). Les études d’impact sur la santé Lors de la deuxième conférence internationale sur la promotion de la santé en 1988 en Australie, les participants ont approuvé les Recommandations d’Adélaïde qui engageaient les responsables politiques à intégrer des « politiques publiques saines » dans leurs décisions. Ces déclarations eurent un effet décisif sur le rôle des élus à la santé dans les décisions politiques qui touchent les personnes et la nécessaire transversalité dans les processus de prise de décision. La nécessité de mieux connaître l’impact des choix politiques sur la santé et la qualité de vie des citoyens est présente dans ces recommandations. Plus tard, dans la ’Charte des villes européennes pour la durabilité’ en 1994 complétée en 2004 par les ’Engagements d’Aalborg’, est réaffirmée la place de « l’évaluation des incidences sur la santé en tant que moyen pour tous les secteurs de concentrer leur travail sur la santé et la qualité de vie ». Principe appliqué par des pays comme la Roumanie et le Québec et encouragé dans les ’Ville-santé’ comme à Charleroi. Concrètement, les villes ont à élaborer un plan d’action pour la ’Santé de tous’ à partir de ses priorités politiques et des informations recueillies auprès des citoyens et des professionnels. Lourde tâche et souvent lourde de conséquences en termes de moyens financiers, moyens humains, impact sur la santé. Un outil d’aide à la décision pour l’établissement et le suivi d’un plan d’action appelé étude d’impact sur la santé combine des procédures, des méthodes et des outils qui permettent de juger d’un programme ou d’un projet quant aux effets potentiels sur la santé d’une population et à la distribution de ces effets au sein de cette population(F). Les études d’impact sur la santé reposent sur quatre valeurs : la démocratie, la justice sociale, le développement durable, l’aspect éthique des données probantes. Elles concourent à l’amélioration de la santé en réduisant les inégalités sociales de santé. Elles apportent des informations sur les effets directs ou indirects sur la santé de la population que peut entraîner toute décision prise dans des domaines autres que celui de la santé. Par là, elles peuvent réduire les effets potentiellement négatifs pour la santé d’un projet et même en accroître les effets positifs. Les études d’impact sur la santé sensibilisent les différents acteurs à leur responsabilité vis-à-vis de la santé, favorisent la participation et rendent les décisions plus transparentes. Les études d’impact sur la santé font partie intégrante de la démarche politique. Elles commencent quand existe une proposition ou une intention de continuer ou modifier une politique en place ou de lancer une nouvelle politique ou un nouveau projet. Les informations recueillies et les impacts potentiels établis sont repris dans un rapport rendu public en vue de son amélioration. L’étape ultime mais essentielle est de prendre des décisions et d’agir en fonction des résultats.

Participation des citoyens

On l’aura compris, la démarche des études d’impact sur la santé pour être pertinente et efficiente doit intégrer la participation des citoyens. Cela démarre par la circulation d’informations et la publicité des conditions d’accès à ces informations. La transparence, qu’elle soit juridique, politique, administrative ou scientifique devient une condition indispensable à l’implication et la responsabilisation des citoyens à la vie publique. De même, la permanence de l’information du début à la fin du projet constitue un incitant à la participation citoyenne. Le choix des supports et démarches de communication ainsi que le langage utilisé sont à mettre en lien avec les inégalités sociales. Le souhait d’impliquer les habitants peut s’inspirer des motivations diverses : aboutir à une décision optimale intégrant un maximum de points de vue, créer une adhésion à l’égard des décisions, mobiliser les acteurs et concourir ainsi à une mise en oeuvre effective des politiques et des projets, renforcer la capacité des acteurs à répondre à leurs besoins, lutter contre l’exclusion de certains groupes sociaux, donner confiance aux citoyens, les sensibiliser, gérer des conflits ou tenter de les éviter. Les finalités poursuivies s’articulent essentiellement autour de trois thématiques : le renforcement de la démocratie, l’amélioration de la gestion locale et la promotion de l’éducation permanente(G). Quelques conditions de réussite de la participation des habitants : • Viser la transparence et soigner la relation avec les citoyens ; • Encourager la motivation des habitants à participer ; • Ancrer l’offre de participation dans le quotidien et la culture des habitants ; • Susciter la participation en amont du processus décisionnel ; • Gérer les conflits générés par la présence d’intérêts différents ; • Tenir compte des résultats de la démarche participative dans la prise de décision ; • Articuler le savoir de l’expert et les pratiques des habitants ; • Prendre en compte toutes les catégories de la population et accorder une attention particulière à celles qui sont habituellement exclues ; • Mettre en place des structures participatives durables ; • Ne pas limiter la participation à la sphère de proximité ; • Articuler les différents dispositifs participatifs(H). En 2008, des élus locaux rassemblés en congrès sous l’égide du Conseil de l’Europe déclaraient : « Nous, élus locaux européens, partageons la conviction que nos citadins ne sauraient vivre pleinement leur ville sans en être également des citoyens responsables, actifs et informés »(I). La Charte urbaine européenne invite les villes à s’instituer ’villes de citadins-citoyens’. Les villes sont encouragées à utiliser de multiples moyens de « rencontre » avec le citoyen : assemblées, dispositifs d’information et de consultation (y compris par l’utilisation renforcée des technologies de l’information et de la communication), débats publics, coopération dans la programmation des actions. Le fondement de cette charte est la considération du citoyen comme un partenaire dans ce qui touche aux questions de société, comme un acteur allié pour l’action. L’enjeu est non seulement d’écouter, mais d’organiser les conditions pour l’expression de ceux qui parlent peu, qui ont perdu le droit à la parole. Les démarches dans ce sens restent encore rares ou discrètes. Des tentatives citoyennes émergent éclairant les difficultés d’ajustement et de positionnement des profanes et des experts, des non organisés et des institutionnels, des riches et des pauvres en ressources. L’expérience menée par l’Institut wallon de l’évaluation, de la prospective et de la statistique (IWEPS) pour la co-construction d’indicateurs de bien-être avec des citoyens de quinze communes wallonnes est à épingler. Les citoyens sont écoutés sur ce qu’est pour eux le bien-être pris individuellement et collectivement. Il s’agit d’établir un état des lieux basé sur des indicateurs les plus sensibles, d’évaluer les besoins des citoyens et de mettre en place des projets construits à partir d’un dialogue évolutif et permanent entre le politique et le citoyen en encourageant la solidarité et la coresponsabilité(J). Les dispositifs institutionnels en matière de consultation et de participation du citoyen au niveau local se multiplient. Citons le décret de participation du public en matière d’environnement, en aménagement du territoire (CCAT), le code de la démocratie locale (consultation populaire, conseil consultatif). Du discours et de l’écrit à la mise en oeuvre concrète acceptée voire souhaitée, un grand pas reste à franchir. Les freins sont encore nombreux et puissants. Comment glisser de l’intérêt individuel vers un intérêt collectif, sachant qu’il y a à perdre pour soi, si ce n’est au travers de solidarités de proximité retrouvées où l’individu peut se préoccuper des intérêts de son groupe d’appartenance. Comment réconcilier les visions de groupes de populations distinctes par les ressources, les cultures, les religions, l’âge etc., si ce n’est par la gestion d’espaces partagés, de diffusion d’informations et données probantes, de lieux d’écoute et de rencontres pour le rétablissement de la confiance. A retenir l’exemple des Espaces citoyens. Comment relier les différents dispositifs, les multiples acteurs et secteurs ? Enjeu de la nouvelle gouvernance et du rôle de médiateur du bourgmestre. L’exemple des contrats locaux de santé en France La loi française « Hôpital, patients, santé, territoire » (HPST) du 22 juillet 2009 organise la « régionalisation de la santé » par la mise en place des agences régionales de santé qui établiront des contrats locaux de santé avec les collectivités territoriales, portant sur la promotion de la santé, la prévention, les politiques de soin et l’accompagnement médico-social. L’objectif de la régionalisation est de mieux organiser, coordonner, piloter un territoire régional en renforçant la pertinence et la qualité des services et des actions et par le contrat local de santé se donner la capacité à produire une meilleure organisation locale de la promotion de la santé et de la santé publique. Agir en santé n’est pas neuf pour les villes françaises, bien que l’évolution soit marquée de hauts et de bas. Les municipalités ont été très actives en hygiène publique et médecine sociale : centres de santé, santé scolaire, santé maternelle et infantile, alcoologie etc. Après un retrait progressif, accéléré par les lois de décentralisation de 1983, une relance s’est faite autour des questions du SIDA, des toxicomanies, de la pauvreté et un net coup d’accélérateur avec la circulaire de 2000 sur les ’Ateliers santé ville’ issus du constat de l’insuffisante implication des ’villes en santé’ dans les contrats de ville. Les contrats locaux comme répondant à des enjeux majeurs Enjeu pour l’Etat, qui compte sur les contrats locaux de santé pour mettre en oeuvre sur le terrain une politique et des actions de promotion de la santé et de santé publique définis au niveau régional. Enjeu pour les acteurs locaux qui auront à négocier un contrat répondant aux besoins des populations et conformes à leurs attentes et les moyens de le mettre en oeuvre (On ne peut s’empêcher d’y voir une analogie avec les centres locaux de promotion de la santé de la Fédération Wallonie Bruxelles). Enjeu pour les citoyens, pour qui les contrats locaux de santé sont les lieux de renforcement de la démocratie participative et de réponses à leurs « vrais » besoins de santé(K). Au sein des Agences régionales de la santé s’organisent les Conférences régionales de la santé et de l’autonomie (CRSA). Elles sont composées de six collèges représentant une diversité d’acteurs présents sur le territoire régional : • Des représentants des collectivités territoriales (conseil régional et conseils départementaux) ; • Des représentants des usagers (associations de patients, de retraités et de personnes âgées) ; • Des représentants des partenaires sociaux (syndicats des salariés, des professions libérales et indépendants, des organisations agricoles et des organisations professionnelles) ; • Des représentants des acteurs de la cohésion sociale et de la protection sociale (associations de lutte contre la précarité, assurances vieillesse, accidents du travail et maladies professionnelles, allocations familiales, mutualité) ; • Des représentants de la prévention et de l’éducation pour la santé (santé scolaire et du travail, protection maternelle et infantile , promotion de la santé, prévention, éducation, observatoire de la santé, protection environnement) ; • Des représentants des offres de services (établissements publics et privés, soins à domicile, accueil des personnes handicapées et des personnes âgées, centres de santé et maisons de santé, réseaux de santé, permanence de soins, SAMU, transports sanitaires, services d’incendie et de secours, organisations syndicales représentant les médecins des établissements publics de santé, les professionnels de santé et para médicaux, ordre des médecins) ; • Des personnes choisies pour leur qualification. On espère que ce ne sera pas seulement une usine à gaz et que l’« encommissionement » ne va pas éterniser les remises d’avis. La question de la distance entre le régional et le local reste posée en ce qui concerne l’expression et l’écoute de la parole des citoyens autres que les patients représentés par leurs associations et les usagers des offres de service représentés.

Reste la question des moyens

Pour comprendre les processus qui amènent à la décision favorisant des actions au profit de la santé, il est essentiel de prendre en compte le contexte des relations avec les différents niveaux de pouvoir et les règles du jeu qui les influencent fortement. Les hauteurs du financement sont tributaires du transfert de responsabilités vers le niveau local avec l’octroi des ressources nécessaires et les limites de la fiscalité communale. De nombreux élus locaux tirent la sonnette d’alarme quant à leur survie financière. Les communes sont des courroies de transmission pour l’implantation des politiques régionales et fédérales. Les programmes se multiplient posant la question de la cohérence des interventions, de la multiplication des lieux de concertation et de partenariats. Cette sensation d’étouffement est renforcée par la lourdeur des actions transversales faute de structures adaptées car toujours en phase avec le morcellement. La participation des citoyens et la démocratie participative restent souvent un voeu pieux pour diverses raisons : la méconnaissance de processus qui les facilitent et les balisent, la non-fréquentation des lieux participatifs (conseils consultatifs, commissions, etc.), la barrière entre la revendication individuelle et les besoins collectifs, l’angoisse de l’impossible satisfaction universelle, les habitudes créées par les mécanismes de la démocratie représentative…

Documents joints

  1. http://www. euro.who. int/__data/assets/ pdf_file/0004/88591/ EHFA5-F.pdf 2. http://www.euro. who.int/__data/ assets/pdf_ file/0003/129675/ Ottawa_Charter_F. pdf

Cet article est paru dans la revue:

Santé conjuguée, n° 60 - avril 2012

Les pages ’actualités’ du n° 60

Faut-il punir les patients ’négligents’ ?

Le patient « indiscipliné » est-il un dangereux incivique, passible de se voir refuser l’accès aux soins ?

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L’enquête 11/11/11

Quel est le problème prin-cipal de votre public ? Et qu’attendez-vous des maisons médicales ? Ce sont les deux questions que le groupe Re-Germ a posées aux acteurs de la société civile avec lesquels les maisons(…)

- Groupe Re-Germ

Le mensonge ou l’impôt ?

Les inégalités sont un facteur de mauvaise santé. Le progrès, dans sa version libérale, creuse les inégalités. Donc le progrès, dans sa version libérale est un facteur de mauvaise santé. Logique !

- Dr Pierre Drielsma

Rendons à César…

Une réaction à l’article de Jacques Morel paru dans Santé conjuguée numéro 57 : « Des mots pour ne pas parler que des maux… mais de la santé. Cinquante ans du GERM et de sa descendance(…)

- Poucet Thierry, van der Stichelen Philippe, Van der Vennet Jean, Vandormael Monique

Le numerus clausus et la planification à l’installation en question

Planifier l’offre de soins, c’est d’abord se demander quels sont les besoins de la population et quelle est la réalité de la réponse à ces besoins sur le terrain. Mais c’est aussi avoir le courage de(…)

- Dr Anne Gillet-Verhaegen

Une santé en crise ?

Dix ans après la déclaration de Doha qui consacrait la primauté de la santé publique sur les droits de propriété intellectuelle, des médicaments indispensables restent finan-cièrement inaccessibles ou sont totalement indisponibles pour les populations peu solvables.(…)

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Venant du niveau « macro » de la politique de santé, l’ancienne ministre des Affaires sociales et de la Santé Magda De Galan, aujourd’hui bourgmestre de Forest a repris les fonctions de l’échevinat de la Santé.(…)

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Une grille pertinente ?

Les compétences des communes sont larges et beaucoup d’entre elles ont un impact direct ou indirect sur la santé des habitants.

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Notre cahier explore deux hypothèses : la première : la démocratie locale constitue un cadre pour réhabiliter la démocratie représentative à travers le rétablissement de la complémentarité entre démocratie directe (ou semi-directe, participative) et démocratie représentative.(…)

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La structuration de l’action communale en santé

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Pour échapper aux effets pervers de la dispersion des compétences politiques en ce qui concerne les déterminants de santé, les projets de promotion de la santé doivent s’appuyer sur un travail transversal au niveau local. C’est(…)

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A Charleroi, l’implication de la ville et des habitants dans les projets ’Villessanté’ a débouché sur la réalisation de nombreuses actions très concrètes. Et ce n’est pas fini…

- Le Comité de pilotage de ’Charleroi Ville-santé’

Pour un « maillage de l’accompagnement social » !

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Dynamiques intersectorielles et participatives

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Petit Poucet

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Aujourd’hui, les inégalités qui régressaient jusqu’au troisième quart du XXème siècle se creusent à nouveau. Deux phénomènes, différents mais étroitement intriqués en rendent compte : la perte de légitimité du politique et la domination toujours plus(…)

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