Aller au contenu

Les revendications de la Fédération des maisons médicales pour la commission médico-mutuelliste


Santé conjuguée n° 58 - octobre 2011

Les négociations de la convention médico-mutuelliste surviennent dans un contexte de politique générale difficile. Mais cela ne rend que plus pertinentes une série de revendications susceptibles de produire plus de santé pour un coût mieux maîtrisé. Fond commun aux mesures proposées, elles s’axent autour d’une redéfinition et une optimalisation des tâches et financements des différentes « lignes » de soins et professions de santé.

Fin de l’année, c’est le moment des négociations en « médicomut ». La commission de convention médico-mutuelliste est un lieu stratégique essentiel au sein de l’INAMI : elle gère près de 7 milliards d’euros, soit un petit tiers de l’ensemble du budget de l’Institut : c’est l’ensemble des honoraires médicaux. A titre de comparaison, c’est quasi autant que l’ensemble du budget de la Région wallonne… Ses décisions ont un impact déterminant sur l’avenir de notre secteur : l’argent est « le nerf de la guerre », dit-on. En concertation avec le Groupement belge des omnipraticiens -GBO, nous avons balisé une série de revendications pour le budget 2012 et j’ai le plaisir de vous en livrer l’essentiel.

Pas touche au budget de la médecine générale

La presse a relaté une diminution d’environ 4% des prestations en médecine générale : cette régression, qui ne touchait auparavant que les visites, touche aussi maintenant les consultations. Il ne peut être question d’en profiter pour réduire le budget. Cette diminution est due essentiellement à la pénurie de généraliste qui s’installe, et donc leur moindre disponibilité. C’est un réel danger pour le système parce que cela crée un déplacement vers la médecine spécialisée, plus coûteuse. Pour nous c’est clair : le budget doit être maintenu et les marges dégagées doivent être réinvesties dans la revalorisation de la profession et dans le renforcement de l’accessibilité par réduction des tickets modérateurs. Postes de garde Dans un contexte où le burn-out des généralistes devient un véritable problème, une meilleure organisation de la garde est un des éléments susceptibles d’alléger leur charge de travail. Les expériences pilotes de postes de garde (PMG, postes médicaux de garde), de même que les systèmes d’appel centralisés ont montré leur pertinence. Mais il faut prévoir des moyens suffisants pour financer leur généralisation progressive et créer un cadre juridique pour permettre le tri des appels par un préposé.

Médecine de groupe

La grande majorité des jeunes médecins généralistes souhaitent travailler en groupe, et c’est une des réponses possibles à la pénurie de généralistes notamment parce que le travail en groupe permet de mieux concilier vie professionnelle et exigences personnelles. Mais on constate que ces pratiques restent minoritaires : les obstacles sont importants (salaires insuffisants, lourdeur administrative…) et il est indispensable d’établir un cadre juridique et de financement adéquat pour les lever. La ministre Onkelinx s’y est montrée favorable. Décider d’un financement en médico-mut permettrait d’accélérer la mise en place du cadre juridique. Différentes formules sont proposées pour répondre aux attentes des professionnels : réseaux, groupes monodisciplinaires sous le même toit, groupes mutidisciplinaires, lesquels ont bien entendu notre préférence

Echelonnement

Nous n’aimons pas trop le terme « échelonnement » car il insinue qu’il y aurait une hiérarchie dans les soins, alors que notre expérience démontre la pertinence d’une vision plus systémique dans laquelle le patient est au centre, la première ligne directement autour, les deuxième et troisième lignes en cercles concentriques. Mais ce vilain mot a l’avantage d’être compris par tous. Nous plaidons pour des mesures qui incitent le patient à consulter d’abord en première ligne. La première consiste à augmenter l’accessibilité financière : développement des pratiques forfaitaires, réduction du ticket modérateur (la part payée par le patient) en première ligne, facilitation de l’application du tiers-payant, informatisation de la facturation… Des mesures d’organisation pourraient aussi être soutenues : par exemple, faciliter la prise de rendez-vous chez le spécialiste via internet quand c’est un médecin généraliste qui le demande.

Honoraires purs pour les spécialistes

Les spécialistes rétrocèdent à l’hôpital où ils travaillent près de la moitié des honoraires qu’ils y perçoivent ; les hôpitaux ont impérativement besoin de cet argent pour équilibrer leur budget. Ce système est pervers à plus d’un titre : il incite les gestionnaires à pousser les médecins à multiplier les actes ; les spécialistes sont tentés de quitter l’hôpital pour développer des pratiques privées plus lucratives. Les hôpitaux, en manque de médecins, recrutent des généralistes au prix fort pour pallier au manque de spécialistes pendant que, par exemple, des cardiologues font du suivi d’hypertension en ambulatoire : c’est le monde à l’envers et la pénurie de généralistes s’accroit. Le problème est ardu est ; y remédier demande une solide réforme du système. Mais fermer les yeux ne résoudra rien et il est impératif qu’un groupe de travail soit constitué pour élaborer des solutions qui permettent aux médecins d’être payés pour leur travail, et aux hôpitaux d’être financés pour les infrastrucutres et le personnel qu’ils mettent à disposition.

Redéfinir les taches des professionnels de santé

Ce problème est lié au précédent, mais le champ qu’il englobe est beaucoup plus vaste. Les difficultés liées à la pénurie dans certaines professions nécessitent, au delà de revalorisations financières indispensables, que l’on redéfinisse certains métiers. On pourrait s’inspirer de ce qui se fait au Canada notamment, où certaines infirmières ont la possibilité des poser des actes qui sont ici réservés aux médecins. Ce travail ne peut pas se faire à l’intérieur de la « médico-mut » : nous plaidons pour la mise sur pied d’un groupe de travail interprofessionnel pour réfléchir à ces questions et faire des propositions. Mais l’accord de la « médico-mut » doit le prévoir.

Profils de prescription

La prescription de médicaments s’est améliorée (notamment en matière d’antibiotiques), tant en terme de quotas de génériques que de qualité de prescription. Mais il est possible d’aller plus loin. Les campagnes d’information vers le grand public comme vers les médecins ont montré leur efficacité. D’autre part, nous demandons que des mesures soient prises pour réduire l’influence de l’industrie sur les prescripteurs (que ce soit en termes de publicité, de cadeaux …) et parallèlement développer une information publique objective et accessible sur les bonnes pratiques. La prescription à l’unité est une piste intéressante. Il s’agit de la possiblité de prescrire le nombre de cachets (ou de toute autre forme de médicament) qui corespond à ce que le patient doit recevoir, en place du système actuel où le médecin n’a d’autre choix que de prescrire des boîtes dont le contenu excède les besoins. Cela devrait certainement permettre d’éviter des gaspillages : dans une première étape, nous demandons que cette possibilité soit expérimentée dans les maisons de repos.

Maisons de repos

Les généralistes s’inquiètent d’une tendance lourde qui consiste à voir se développer de très grosses maisons de repos accueillant un grand nombre de résidents et dans lesquelles l’aspect humain a tendance à être laissé de côté. Il faut revoir les législations pour faciliter le développement de petites structures. Parallèlement, il faut veiller à ce que le médecin généraliste extérieur garde toute sa place : c’est parfois le dernier regard qui subsiste sur certaines situations critiques.

Faciliter la facturation

La pratique du tiers payant a tendance à s’étendre : c’est une nécessité pour garantir une accessibilité maximale. Mais la charge administrative s’alourdit d’autant pour les professionnels : nous demandons que l’informatisation de la facturation, par exemple via « my carenet » et la carte d’identité électronique, soit implémentée le plus rapidement possible.

Moderniser la nomenclature

La nomenclature des actes médicaux est largement obsolète et conduit à des écarts de revenus insoutenables entre les spécialités dites « intellectuelles » (dont la médecine générale) et les spécialités fortement techniques. Un groupe de travail consacré à cette problématique a été mis sur pied mais il ne fonctionne pas. Nous demandons que ce groupe soit activé et, à défaut, que les autorités prennent leurs responsabilités, d’une manière ou d’une autre, pour corriger rapidement ces disparités.

Modalités de financement

La croissance budgétaire étant réduite à 2%, cela laisse peu de marge pour les politiques nouvelles. Nous plaidons donc pour une « redistribution équitable de la masse d’index ». Ceci veut dire qu’en n’indexant pas certaines prestations déjà surfinancées, on pourra réinjecter des moyens financiers dans des domaines qui ont besoin d’oxygène, particulièrement en première ligne. Une touche d’espoir La liste des tâches n’est pas terminée, mais ce sont des éléments essentiels et nous demandons que les représentants de la médecine générale les mettent sur la table. Ce n’est pas gagné d’avance : rappelons qu’à la « médico-mut » l’Association belge des syndicats médicaux (ABSyM) – et donc le lobbie des spécialistes – est majoritaire sur le banc des organisations professionnelles et que la médecine générale a parfois du mal à se faire entendre. Et ce sera d’autant plus difficile que le contexte budgétaire ne permet pas de faire des folies. Une note positive : sur l’autre banc, les deux plus grosses mutuelles se sont montrées récemment plus attentives à nos revendications que dans le passé.

Documents joints

Cet article est paru dans la revue:

Santé conjuguée, n° 58 - octobre 2011

Les pages 'actualités' du n° 58

Santé : d’importants défis attendent le nouveau Gouvernement

Les discussions pour la formation du Gouvernement ont démarré et la Fédération des maisons médicales souhaite attirer l’attention des responsables politiques sur les enjeux cruciaux qui se profilent.

- Dr Olivier Mariage

Dix priorités pour une politique de santé (octobre 2011)

Vous venez de le lire, le nouveau Gouvernement a d’importants défis à relever pour maintenir et faire évoluer notre système de santé. Dans le contexte de crise que l’on connaît, il faudra affronter les menaces qui(…)

- Fédération des maisons médicales et des collectifs de santé francophones

Les revendications de la Fédération des maisons médicales pour la commission médico-mutuelliste

Les négociations de la convention médico-mutuelliste surviennent dans un contexte de politique générale difficile. Mais cela ne rend que plus pertinentes une série de revendications susceptibles de produire plus de santé pour un coût mieux maîtrisé.(…)

- Dr Olivier Mariage

Un enfant atteint d’otite banale en salle d’urgences d’un hôpital universitaire ?

Face au recours inapproprié aux médecins spécialistes – ici, l’exemple des pédiatres – la vice-présidente du Groupement belge des omnipraticiens – GBO en appelle à une redéfinition des tâches et à une réelle collaboration entre spécialistes(…)

- Dr Anne Gillet-Verhaegen

La médecine basée sur l’émotion

Devant une maladie aussi invalidante que la maladie d’Alzheimer, devant le désarroi des proches de la personne atteinte, il n’est pas toujours aisé de conserver une attitude objective. Une faiblesse dont certains entendent profiter…

- Debauche Monique, Jehaes Michel

Le grand malheur et le lien social

Et si le grand malheur, qui soude les liens sociaux dans certaines sociétés avait tendance à les affaiblir dans la nôtre ?

- Dr André Crismer

L’informatique dans la relation de soins

Données-santé informatisées : la Ligue des usagers des services de santé appelle à la vigilance !

Du côté de la Ligue des usagers des services de santé, on voit d’un oeil favorable l’informatisation des données et leur échange électronique entre prestataires mais on exige que leur confidentialité soit soigneusement protégée et que(…)

- Fierens Micky

Sites d’informations médicales sur Internet : pour ou contre ?

On rapporte des propos de médecins disant leur irritation de recevoir des patients qui leur proposent diagnostics et traitements issus de la consultation de sites web. Des dangers et inconvénients du phénomène de recherche d’informations médicales(…)

-

L’ordinateur : outil, tiers ou écran ?

La présence de l’ordinateur sur le bureau des généralistes est aujourd’hui acceptée. Mais sa place et son rôle font encore question. Les propos des quatre généralistes interrogés à ce sujet montrent une variété des perceptions que(…)

- Dr Baudouin Denis, Dr Marc Van Meerbeek, Dr Miguelle Benrubi, Dr Xavier Froidecoeur

Ordinateur et médecine

En médecine générale, le patient attend plus qu’une réponse technique à ses questions. C’est pourquoi l’informatique n’est qu’un outil et ne peut pas envahir l’espace-temps de la consultation

- De Caevel Henri

La place de l’informatique dans la relation de soins. Point de vue des patients

Quel est le point de vue des patients sur la place prise par l’informatique dans la relation de soins ? La question a été discutée avec une vingtaine de patients de 25 à 85 ans, dont(…)

- Gaëlle Chapoix

Intérêt et risques de l’informatique en soins de santé primaires

Structuration et concepts du dossier médical électronique

Organiser les informations médicales concernant un patient pour en faire un dossier médical électronique logique et efficient et permettre un transfert optimal des données pertinentes : tel est le but du travail de structuration du dossier(…)

- Michel Roland

Des données de santé utiles, utilisables et utilisées. Pour mieux prendre les décisions en santé publique

On parle beaucoup de l’information sanitaire, des statistiques de santé, de l’aide à la décision liée aux chiffres de santé. Il est assez évident que les différents services de santé qui produisent des données le font(…)

- Myriam De Spiegelaere, Tellier Véronique

Le Réseau santé wallon

Le développement des nouvelles technologies de l’information et de la communication permet aujourd’hui l’échange rapide d’un grand volume de données, notamment médicales. Le Réseau santé wallon (RSW) vise à interconnecter les institutions hospitalières wallonnes et les(…)

- Jongen Philippe

L’informatique en maison médicale, une question d’équipe

L’informatisation des maisons médicales répond à des besoins et à des objectifs spécifiques impliquant l’ensemble de l’équipe. Dans ce but, un outil novateur a été conçu par des soignants pour des soignants et évolue régulièrement depuis(…)

- Marie-Agnès Broze

Le tableau de bord de la Fédération des maisons médicales

Le projet tableau de bord de la Fédération des maisons médicales a plusieurs objectifs dont celui de constituer un observatoire sociosanitaire de la population soignée en maison médicale. Cet observatoire permettra de mieux connaître l’état de(…)

- Carbonez Francois

Voilà à quoi pourrait ressembler la commande d’une pizza en 2015

Fantasme ou menace sérieuse ? La rencontre du pouvoir médical et de la puissance informatique pourrait- elle donner naissance à une dictature médicale ? On savait déjà que les pizzas industrielles sont peu recommandables pour la(…)

-

La consultation de Mme Rita Bauwens : du face à face clinique au dossier informatisé

Les éléments de structuration du DME (Dossier médical électronique) permettent d’organiser les informations de manière simple et efficace. La qualité des soins et la coordination entre intervenants s’en trouve optimalisée. Un exemple concret à partir d’une(…)

- Michel Roland

Recueil de données de santé de routine et respect de la vie privée

La Fédération des maisons médicales développe un recueil de données de santé de première ligne composé de données prélevées dans les dossiers de santé informatisés des patients de maisons médicales. La mise en place de ce(…)

- Marie Marganne

Regards décalés

L’évaluation éthique de l’outil informatique est-elle possible ?

Les questions soulevées par l’influence des nouvelles technologies dans le secteur de la santé, et en particulier l’impact des nouveaux outils informatiques sur le soin sont une des raisons de l’émergence et du développement de la(…)

- Boury Dominique, Sauvaige Monique, Barrea Mieke, Ruelle Yvan, Barbotin Élisabeth, Jacquemin Dominique, de Bouvet Armelle

Derrière l’arbre qui cache la forêt

Après un tour d’horizon de ce que l’outil informatique, bien géré, peut apporter à la santé, voici un petit éclairage sur le revers de la médaille et quelques pistes pour réduire les impacts directs et indirects(…)

- Gaëlle Chapoix

Le stéthoscope et la souris : savoirs médicaux et imaginaires numériques du corps

Dans les années 80, l’informatique a donné naissance à une dématérialisation imaginaire de l’organisme et à une contestation de la médecine institutionnelle. Les technologies numériques ont ouvert la porte à un idéal holistique de santé, à(…)

- Casilli Antonio

Introduction

Introduction

L’informatique prend de plus en plus de place dans nos vies, dans notre société. L’ordinateur, les jeux vidéo, internet, l’informatique s’invitent même dans nos téléphones. Dans le domaine de la santé aussi, l’informatique prend une place(…)

-

Conclusion

Petits cailloux

L’objectif de notre cahier était d’explorer ingénument comment l’outil informatique avait fait son chemin dans les soins de santé primaires. De semer des petits cailloux pour dessiner ce chemin. Pour l’instant, nous nous arrêtons ici, mais(…)

-