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Le rôle du Fonds des Maladies Professionnelles en faveur de la réadaptation des patients lombalgiques


Santé conjuguée n° 51 - janvier 2010

Le Fonds des Maladies Professionnelles propose un programme de réadaptation pour les patients souffrant de lombalgies en relation avec le travail. Le programme vise le retour accéléré au travail et la prévention d’une évolution vers la chronicité par un entraînement physique intensif et une prise en charge psychologique ainsi que cognitive.

Depuis plusieurs années, le Fonds des Maladies Professionnelles (FMP) a constaté chez les travailleurs une augmentation des plaintes liées à des affections aspécifiques, multicausales et multifactorielles telles que les affections de la colonne vertébrale. Le législateur a donc confié au FMP en 2005 la mission de contribuer à prévenir les « maladies en relation avec le travail ». Celles-ci sont définies comme « des maladies… qui, selon les connaissances médicales généralement admises, peuvent trouver leur cause partielle dans une exposition à une influence nocive, inhérente à l’activité professionnelle et supérieure à celle subie par la population en général sans que cette exposition… constitue la cause prépondérante de la maladie » (Loi 13/07/2006 ; MB 01/09/06). Ces maladies ne sont pas à confondre avec les « maladies professionnelles » qui font l’objet d’une liste reprise dans un arrêté royal mais dont le groupe-cible est finalement assez restreint. Dans le cadre des maladies en relation avec le travail, le groupe-cible est donc beaucoup plus large et le législateur a prévu qu’il puisse bénéficier de programmes de prévention secondaire. Le programme de réadaptation proposé par le FMP pour les travailleurs lombalgiques s’inscrit donc dans ce nouveau cadre d’action relatif aux maladies en relation avec le travail. Aux origines du programme, des constats alarmants La sollicitation de la colonne vertébrale au travail est un phénomène général, rencontré dans la plupart des professions et des secteurs d’activité. De tous les facteurs de risque, la manutention manuelle de charges et l’exposition à des vibrations mécaniques transmises par le siège sont les facteurs les plus fréquemment associés à la lombalgie. Il en résulte de lourdes conséquences tant au niveau individuel que sociétal : conséquences socioprofessionnelles (perte d’emploi, reclassement professionnel), conséquences sur la vie personnelle et familiale (difficulté voire impossibilité d’effectuer certaines activités, kinésiophobie, dépression, etc.) et enfin, conséquences socio-économiques pour le travailleur (perte d’emploi, diminution des revenus, etc.), l’entreprise (coût des arrêts de travail, perte de travailleurs qualifiés, etc.) et la collectivité (coût des traitements, coûts des arrêts de travail, etc.). Selon un rapport du Centre Fédéral d’Expertise des Soins de Santé (KCE) consacré à la lombalgie chronique et publié en 2006, la lombalgie entraînerait annuellement en Belgique un coût direct médical (imagerie médicale, kinésithérapie, revalidation, chirurgie, etc.) de 81 à 167 millions d’euros et un coût indirect pour le patient et la société (incapacités de travail, pertes d’emplois) de 270 millions à 1,6 milliards d’euros ! Le souhait des ministres de tutelle du FMP, à savoir, le Ministre de la Santé publique et des Affaires sociales et celui du Travail, de l’Emploi et de la Concertation sociale, était donc de pouvoir apporter une réponse appropriée à ce problème social évident et qui ne faisait l’objet d’aucune intervention particulière. Evolution d’un projet-pilote vers un programme à large échelle Bien au courant du phénomène grandissant des lombalgies et face à la pénurie de personnel soignant dans le secteur des soins, le FMP a lancé le 1er mars 2005 un projet-pilote qui visait à évaluer la faisabilité d’un programme de prévention secondaire des lombalgies sur un public restreint (c’est-à-dire le personnel infirmier du secteur des soins de santé). Suite à plusieurs évaluations positives de ce projet-pilote, il a été décidé d’élargir cette initiative et de lui donner un caractère permanent. Par arrêté royal du 17/ 05/2007, le programme a été rendu applicable à tous les travailleurs belges et ce, quel que soit leur secteur professionnel, pourvu qu’ils soient exposés lors de l’exécution de leur travail à la manutention manuelle de charges et/ou aux vibrations mécaniques transmises par le siège.

Buts du programme

  • Réduire la probabilité d’évolution de la lombalgie vers la chronicité dans une population en incapacité de travail. De cette manière, le FMP veut éviter que ces personnes soient rejetées du marché du travail ;
  • Promouvoir la prévention ainsi que l’ergonomie du poste de travail dans le secteur professionnel concerné ;
  • Stimuler le dialogue nécessaire entre l’ensemble des intervenants médicaux et paramédicaux concernés (« travail en réseau »).

Qui est concerné ?

Le travailleur (salarié du privé ou contractuel/ fonctionnaire dans une administration provinciale ou locale) :
  • que le médecin du travail estime exposé aux risques liés à la manutention manuelle de charges et/ou aux vibrations mécaniques transmises par le siège.
et
  • qui est en incapacité de travail :
    • suite à des lombalgies mécaniques communes (depuis minimum 4 semaines et maximum 3 mois) ;
ou bien :
    • suite à une rechute dans une période de 12 mois (minimum 1 semaine et maximum 3 mois) ;
ou bien :
    • suite à opération chirurgicale de la colonne lombaire (minimum 4 semaines et maximum 3 mois).
La démarche du FMP : favoriser le dialogue et la collaboration entre médecins concernés Le caractère novateur du programme tient à la collaboration structurelle que celui-ci tente d’organiser entre médecine curative (le médecin généraliste, le médecin spécialiste, le médecin-conseil de la mutualité, etc.) et la médecine préventive (le médecin du travail). Le modèle d’intervention s’appuie et s’inspire des recommandations scientifiques les plus récentes et d’expériences similaires conduites au Canada et aux Pays-Bas notamment. Pour encourager cette collaboration, le FMP a multiplié les contacts avec les médecins généralistes et spécialistes, des centres de réadaptation, les mutualités, les partenaires sociaux, les Services de Prévention et de Protection au Travail. Des protocoles de collaboration ont par ailleurs été discutés avec les médecins du travail et des conventions signées avec des centres de réadaptation. Le rôle du généraliste et du médecin du travail Le généraliste est un partenaire essentiel dans le bon fonctionnement du programme. C’est en effet lui qui est le plus à même de sensibiliser le patient à l’intérêt du programme intensif de réadaptation lombaire pendant l’arrêt de travail de ce dernier. Le médecin du travail, quant à lui, est le lien dynamique entre les entreprises et les institutions participant au programme. Il connaît le mieux les conditions de travail et est la personne de contact idéale pour informer les partenaires sociaux. En quoi consiste le programme soutenu par le FMP ? Un volet médical : la rééducation pluridisciplinaire ambulatoire Il s’agit de favoriser la participation des travailleurs concernés à un programme de rééducation pluridisciplinaire ambulatoire dans un centre de réadaptation conventionné avec le FMP (prestation 558994 nomenclature INAMI). Le FMP garantit au travailleur qui suit ce programme la gratuité de celui-ci (prise en charge du ticket modérateur), une intervention dans ses frais de déplacement et la prise en compte systématique des conditions réelles de travail. Un volet d’intervention dans l’entreprise du patient Le programme prévoit des incitants financiers pour l’employeur qui fait réaliser une étude ergonomique des conditions de travail du patient et/ou met à disposition une formation garantissant l’apprentissage de techniques à appliquer aux conditions de travail du patient en vue de prévenir les lombalgies. Comment le médecin traitant peut-il introduire une demande pour le programme de réadaptation ? Le médecin traitant généraliste ou spécialiste ayant vérifié que son patient répond aux critères cités ci-dessus envoie le patient pendant la période d’incapacité de travail chez son médecin du travail. Le FMP a reçu en 2008 et en 2009 plus de 800 demandes de participation à ce programme de prévention. Ces demandes émanaient de travailleurs lombalgiques provenant de secteurs très variés. Par ailleurs, une enquête a été réalisée auprès des cent premiers patients inclus dans le programme un an et trois ans après le début de leur inclusion. Celle-ci a mis en évidence un très haut pourcentage de satisfaction des patients ainsi que l’amélioration de leurs paramètres algiques, cognitifs et psychologiques grâce au programme. A ce jour, les patients sont avant tout inclus dans le programme par l’intermédiaire de professionnels de la santé des centres de réadaptation, et malheureusement peu via leur médecin traitant. Le pourcentage d’interventions ergonomiques liées au poste de travail du patient lombalgique n’est pas encore spectaculaire mais progresse favorablement d’année en année. Six pourcent des patients lombalgiques, ayant suivi le programme de prévention des lombalgies en 2009, ont ainsi bénéficié d’une intervention ergonomique la même année. Le FMP espère augmenter ce pourcentage puisque les données de la littérature scientifique indiquent que l’impact de ce type de programme sur le retour au travail et sur la chronicité de la lombalgie, est au moins autant lié à la prise en compte de facteurs relatifs à l’entreprise qu’à une réadaptation médicale intensive pluridisciplinaire bien conduite. Le programme INAMI de rééducation pluridisciplinaire ambulatoire et le complément de programme offert par le FMP constituent une nouvelle possibilité d’action pour le médecin traitant face à une lombalgie commune récidivante ou répondant mal au traitement classique. Cette possibilité n’étant accessible qu’une fois pour un patient donné, il est essentiel que le médecin détermine avec le patient le moment le plus opportun pour en bénéficier. Afin que le programme de réadaptation des patients lombalgiques proposé par le FMP puisse atteindre les résultats espérés, il est impératif qu’il puisse compter sur la collaboration des différents protagonistes intervenant dans le déroulement du programme. Une telle collaboration implique que certains a priori et certaines craintes du corps médical soient surmontés mais n’oublions pas que l’enjeu est la santé et le bienêtre du patient ainsi que la réduction du risque de passage en invalidité. Les résultats encourageants du FMP permettent d’espérer que ceuxci s’améliorent encore plus grâce à une sensibilisation grandissante du public et des professionnels impliqués dans la prise en charge du patient.

Contacts au FMP

– Patrick Strauss, conseiller général au FMP : patrick.strauss@fmp-fbz.fgov.be Tél : 02.226.62.12 – Olivier Poot, médecin du travail ergonome, médecin collaborateur au FMP : olivier.poot@fmp-fbz.fgov.be Tél : 02.226.62.77 (me & ve) – Jean De Wael, assistant administratif au FMP : jean.dewael@fmp-fbz.fgov.be Tél : 02.226.67.04 – Site internet http://www.fmp.fgov.be/fr/prevention_dos_fr01.htm

Documents joints

Cet article est paru dans la revue:

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