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La première ligne, ce n’est pas que l’affaire des médecins généralistes !


Santé conjuguée n° 37 - juillet 2006

Depuis des années, on reconnaît l’importance des déterminants non médicaux de la santé. Les soins médicaux n’agissent que de façon marginale dans le bien-être de la population. L’accès au logement, à l’éducation, à la culture constituent des déterminants fondamentaux au même titre que les aspects économiques et environnementaux. La santé de première ligne, c’est donc autant l’animateur d’une maison de jeunes que le médecin généraliste du quartier.

Et pourtant, de plus en plus de problèmes psychosociaux sont médicalisés et aboutissent au cabinet du médecin ; la plainte étant sans doute moins honteuse à mettre du côté médical que du social. En effet, toute personne est amenée à consulter un médecin quelle que soit sa classe sociale. Par contre, les personnes ayant recours aux services sociaux sont quant à elles essentiellement issues de classes plus défavorisées. Pousser la porte d’un service social est donc plus stigmatisant. De plus, notre société prône les prouesses de la médecine (tout paraît guérissable, et pourquoi pas les maux sociaux ?). Les médecins sont alors confrontés à des demandes diverses, complexes, multi-factorielles et souvent masquées dans un premier temps. Mais que peut faire le médecin avec ces problèmes sociaux (quand il a pu les décoder) ? Il n’est évidemment pas outillé et il n’a ni la formation ni le temps nécessaire. Il peut donc médicaliser la plainte et agir sur les conséquences des problèmes sociaux vécus par le patient mais il peut très difficilement agir sur les causes. Il peut également envoyer le patient vers le réseau social existant mais encore fautil que le médecin le connaisse et que le patient fasse les démarches nécessaires sur base d’un simple conseil. Les patients souffrant de problèmes sociaux peuvent être déstructurés ou pratiquer « la politique de l’autruche », ils n’ont plus confiance en la société et pour eux les services sociaux sont souvent des alliés de la société.

Difficile et indispensable : la coordination

Face à ces problèmes complexes et multifactoriels, une prise en charge globale incluant le psycho-médico-social est fondamentale. Ce type d’approche demande inévitablement la complémentarité de plusieurs disciplines. Mais pour obtenir véritablement une complémentarité, les intervenants doivent travailler ensemble et se concerter. Si chacun reste dans son champ et dans sa logique, les choses peuvent se chevaucher et donner certains résultats mais elles peuvent surtout entrer en concurrence et ne pas aider le patient à se structurer. Des lieux de coordination formels et/ou informels sont incontournables pour avoir une démarche cohérente dans le sens d’une prise en charge globale. De plus, l’éclairage de chaque discipline aide l’autre dans sa relation avec le patient. Sur le terrain, les choses ne sont pas si simples. Les médecins sont souvent très peu disponibles et les coordinations ne sont pas reconnues financièrement si ce n’est dans de rares cas de soins palliatifs. Du côté social, la coordination représente souvent l’essence même du travail. Ces pratiques sont beaucoup plus courantes et reconnues financièrement. De plus, les médecins sont culturellement amenés à rester dans un cercle très restreint de « confrères » ayant le même jargon et les mêmes références déontologiques. Le secret médical serait-il un frein à la coordination ? Une certaine hiérarchie entre les disciplines existe toujours pouvant ainsi freiner la mise en place d’une relation de collaboration. Les médecins de maison médicale sont davantage habitués à ce genre d’exercice puisqu’ils travaillent quotidiennement en équipes pluridisciplinaires et dans un esprit de nonhiérarchie. Des co-consultations sont parfois organisées et des réunions de coordination quotidiennes permettent d’aborder la situation dans son ensemble. Des coordinations extérieures sont également organisées que ce soit avec la famille ou avec les services sociaux. Une prise en charge globale est largement facilitée par le mode d’organisation. Cependant, dans un certain nombre d’équipes, on constate que la fonction de l’assistant social par exemple n’est pas toujours bien comprise et que les médecins envoient parfois les patients en dernier recours après avoir tout essayé seul. La situation s’est alors parfois dégradée dans l’intervalle et l’intervention du travailleur social est d’autant plus complexe. Dans ce cas, quel paramètre met à mal la coordination et la transdiciplinarité ? Serait-ce dans la formation du médecin de développer un sentiment de « toute puissance » ou de « tout savoir » ? Il est un fait certain que leur formation ne développe pas le travail en réseau et en pluridisciplinarité alors que les formations paramédicales et sociales le développent davantage. Et pourtant on a tous à y gagner intervenants professionnels comme patients !

Documents joints

Cet article est paru dans la revue:

Santé conjuguée, n° 37 - juillet 2006

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Conclusion

Conclusions

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Partie 8

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Partie 4

Glissement de soins

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Du danger des décisions doctrinaires ou administratives

M. Bacquelaine, député MR, soutient les soins de santé primaires en tant qu’acteur de proximité et permettant une utilisation optimale des moyens financiers. Considérant que les objectifs des soins de santé primaires sont actuellement rencontrés, il(…)

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Pour une culture (politique) des soins de santé primaires

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