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Michel Roland, médecin généraliste tout juste retraité, a pratiqué longtemps en maison médicale (Forest et Santé Plurielle). Marie-Louise Fisette, qui a une longue carrière d’infirmière à la maison médicale de Ransart, coordonne le groupe sectoriel des infirmières à la Fédération des maisons médicales. Tous deux évoquent ici certains aspects particuliers de leurs pratiques avec les patients vieillissants. Des regards croisés qui mettent en lumière la nécessité, et parfois la difficulté, de travailler en interdisciplinarité.

Michel, ton regard sur le vieillissement des patients a-t-il changé au cours des ans ? Quand j’étais jeune, les patients âgés étaient un peu « paternalistes », ils me disaient « vous me faites penser à mon fils », « mon fils ne me parle jamais, j’aimerais qu’il soit comme vous… ». Ils étaient très aimables ! Mais c’était parfois difficile de leur donner des conseils, ils savaient tout mieux que moi… Au fond, ils ne pensaient pas vraiment que je pouvais leur apprendre quelque chose – ils connaissaient leur maladie par cœur, c’est eux qui m’expliquaient… Et l’on a beau être médecin, avoir des connaissances spécifiques, on reste pris dans une certaine attitude de respect envers un aîné. Les relations changent avec l’âge, et aussi la manière de s’identifier avec le patient – rien à faire, on s’identifie toujours un peu. Quand j’étais jeune, je me sentais proche des patients jeunes, je retrouvais en eux quelque chose de moi – et en général leurs problèmes n’étaient pas bien graves. Et puis, avec le temps, cela devient plus difficile : un patient vieillissant a un cancer ou un accident vasculaire cérébral, tu as le même âge, cela pourrait t’arriver… c’est plus lourd, parfois très lourd… à certains moments, cela m’a beaucoup pesé, c’était plus difficile de rester juste, adéquat, de garder le cap… Que vois-tu de spécifique dans le suivi des patients âgés ? Les personnes âgées ont souvent plusieurs maladies chroniques à la fois, dont le développement est le plus souvent insidieux. Ces pathologies sont incurables mais on peut les traiter ; cela demande beaucoup d’attention, et une participation active des patients – au niveau du mouvement, de l’alimentation… il ne faut pas pour autant donner des prescriptions d’« hygiène de vie » – qui risquent d’éloigner de la vie, finalement. L’approche centrée sur le patient est particulièrement importante à ce moment, et elle tranche avec l’ancien modèle paternaliste – inefficace puisqu’on sait bien que les patients – quel que soit leur âge ! – ne suivent pas nécessairement les consignes, particulièrement pour ce qui touche à la prévention ou au traitement des maladies chroniques. En gros, l’approche centrée sur le patient invite le soignant à considérer non seulement la maladie, mais aussi la façon unique dont le patient vit cette maladie : il s’agit de comprendre comment le patient lui-même perçoit ses symptômes et définit son problème médical, en lien avec les multiples facettes de sa vie – sa situation culturelle, familiale, professionnelle, sociale… C’est à partir de cela que le médecin et le patient peuvent essayer de définir ensemble la nature du problème, le plan de traitement, le rôle respectif de chacun (on parle ici de « négocier » avec le patient). Certains outils soutiennent l’approche centrée sur le patient : par exemple les échelles de la douleur, qui permettent de comprendre comment le patient vit sa maladie, ou encore toutes les questions portant sur le moment, le contexte où apparaissent les symptômes… Ils donnent des balises, ce sont parfois des aides mémoire ; il faut bien sûr utiliser ces outils avec discernement, certains incitent à une approche comportementale, même si ce n’est pas leur but. Il ne faut jamais considérer un outil comme une technique en soi, au détriment de la relation thérapeutique, de la rencontre humaine. Le patient âgé, vers 75 ans, est souvent plus lent à s’exprimer, et même à élaborer ce qu’il veut dire. Il faut prendre le temps ; beaucoup de soignants vont trop vite. Et c’est d’autant plus difficile pour le patient qui a plusieurs pathologies, car il y alors beaucoup de choses à cerner, à expliquer, à gérer, il faut lui laisser le temps de chercher l’idée, les mots exacts, de faire revenir ce qu’il a éprouvé depuis la dernière consultation. Il y a aussi beaucoup de petits rituels, et un vécu du temps différent : l’environnement est souvent chargé de souvenirs, avec une hypertrophie du présent par rapport à l’avenir. Le plus souvent, les patients se soucient peu du diagnostic. Ils s’intéressent beaucoup plus aux conséquences de la maladie sur la vie quotidienne, à ses répercussions à long terme, à la manière dont elle risque d’évoluer. Ce qui est aussi très important, c’est la manière dont la maladie va influencer l’idée que les autres se font d’eux, surtout leurs enfants, et de ce qu’ils seront dans le futur – c’est très pesant pour les personnes atteintes de maladie d’Alzheimer, ou qui craignent de l’être dès qu’elles ont des problèmes de mémoire. Il y a aussi la peur d’être placé de force, d’être déclaré incompétent. Au niveau du suivi quotidien, le rôle de l’infirmière n’est-il pas plus important que celui du médecin ? Pour les patients dépendants avec polymorbidité, le rôle des infirmières est capital. Elles peuvent passer tous les jours, au minimum faire la toilette ; en même temps, elles remarquent si la personne a une diarrhée, un peu de température, un peu de confusion (ce sont des signes d’infection). Elles voient aussi si la personne est tombée, enfin toutes sortes de petits signes sur base desquels elles vont alerter le médecin. Et le référent n’est pas forcément le médecin, cela peut être l’infirmière. Dans ma maison médicale, les infirmières allaient voir le patient à l’hôpital, elles discutaient avec les infirmières du service, elles supervisaient souvent la sortie (généralement mal organisée par l’hôpital : on renvoie le patient un vendredi sans savoir s’il a quelque chose dans son frigo, s’il y aura quelqu’un pour s’occuper de lui..). Marie-Louise, comment se passe la collaboration entre médecins et infirmières ? En fait, ce n’est pas toujours facile… ! Nous rencontrons souvent des difficultés de communication : les informations que nous apportons ne semblent pas toujours intéresser les médecins, leurs réponses ne nous satisfont pas, ils attendent de nous « d’autres choses »… Nous avons beaucoup réfléchi à cela, entre infirmières. Ce que je vais dire ici s’appuie largement sur une réflexion menée de 2000 à 2002 par les infirmières de l’intergroupe liégeois, qui a débouché sur un texte rédigé par Marie-Christine Miermans, de l’Appui en promotion et en éducation pour la santé – APES1, ainsi que sur une réflexion menée par le groupe infirmier de l’intergroupe carolo sur le terrain commun médecin-infirmière et sur un texte de Danielle Moreau2 s’inspirant largement des écrits de Marie-Françoise Collière. Dans un premier temps, nous avons tenté d’éclaircir ce qui fait notre terrain commun, entre médecins et infirmières, ce que nous pouvons nous apporter mutuellement. Dans la plupart des prises en soins, il y a un terrain commun, nous avons des interactions plus ou moins importantes – et plus ou moins harmonieuses, tant dans la dimension curative et réparatrice des soins que dans leur dimension coutumière, dans le soutien aux familles, la réflexion et la formulation d’objectifs et d’orientations des interventions. Et, plus globalement au sein des maisons médicales, le terrain commun s’observe au niveau de la définition des politiques de nos associations, de la prévention, de la formation, … Quelles sont les spécificités du contact infirmier, particulièrement pour les personnes âgées ? Une des caractéristiques du contact infirmier est sa fréquence. C’est souvent un contact régulier, parfois quotidien, biquotidien ou même plus fréquent, et qui s’inscrit dans la durée. Bien entendu, l’investissement relationnel du patient et du professionnel est différent lorsqu’il s’agit d’une série de six injections ou d’une intervention biquotidienne pendant des mois, voire des années. Dans les suivis à long terme, nous entrons dans une famille, dans leur quotidien, leur histoire, leur confort ou non-confort, leurs habitudes, leurs odeurs… Nous avons une grande proximité physique avec les personnes, nous touchons leur corps, nous l’envahissons parfois. Pour certains, nous faisons presque partie de la famille – nous avons toutes vécu une relation avec une personne âgée que nous connaissions mieux que notre propre grand-mère… Souvent, nous sommes témoins des relations familiales conflictuelles, des concurrences affectives dans lesquelles des membres de la famille cherchent à nous avoir comme alliées. Nous devons, alors gérer notre relation avec chacun, sans prendre part au conflit. Dans certains domaines, le patient s’adresse plus facilement à l’infirmière, qu’il considère comme plus proche, plus à son niveau. Sans jugement de valeur, avec le médecin, la relation est plus distante ; elle peut parfois être ressentie comme autoritaire, hiérarchique. Une personne âgée, avant le passage du médecin, aura veillé à ce que sa maison soit propre, rangée et se sera fait coquette. Elle parlera de la difficulté de sa relation avec ses proches. Pour l’infirmière, la personne sera telle qu’elle est dans sa vie de tous les jours. En ce qui concerne les conflits, l’infirmière va les vivre dans la famille au quotidien. Certaines personnes ont un peu peur du médecin et préfèrent passer par l’infirmière, même pour des domaines médicaux. D’autres ont l’impression que les plaintes exprimées à l’infirmière ne les font pas entrer immédiatement dans la maladie, cela paraît moins grave. Il y a aussi les petites plaintes que les personnes ne diront pas à leur médecin. Chaque professionnel a une distance avec le patient qui lui est propre, qui est lié à sa profession, sa personnalité, son genre, la fréquence des soins, … A partir de cette relation, il reçoit, perçoit des informations différentes. Parfois, la distance permet d’être moins impliqué et permet plus de confidences, parfois c’est le contraire. C’est le patient qui choisit à qui il se confie et ce qu’il confie. Tu évoquais la dimension coutumière des soins, peux-tu en dire plus ? Elle coexiste avec la dimension curative et réparatrice du soin ; souvent placée sous la direction du médecin et liée à une prescription, le ‘traiter-guérir’ fait appel à des techniques et à des interventions particulières. La dimension coutumière du soin, sous la responsabilité de l’infirmière, est celle que l’on gère d’habitude soi-même lorsque l’on est en bonne santé. C’est la dimension du ‘prendre soin’ qui regroupe une multitude d’actes et de pratiques ; elle se confond avec la vie, avec le quotidien et est donc difficile à reconnaître et à professionnaliser. Les infirmières l’ont appelée : « le rôle propre ». Ces deux dimensions sont indissociables, elles s’articulent intimement dans une même intervention auprès d’une personne. Cependant, le médecin œuvrerait davantage dans la dimension curative, l’infirmière dans le ‘prendre soin’, dans le soin coutumier. Dans la dimension curative, des interventions comme la prise de tension artérielle, la prise de sang se pratiquent en collaboration, nous pourrions dire en sous-traitance. L’infirmière réalise le geste, l’interprétation est de la compétence des médecins. Toutefois, nous demandons des données au médecin sur le traitement car nous ne sommes pas de simples exécutantes, nous avons parfois à répondre aux questions des patients. La dimension coutumière est difficile à exprimer, elle est faite de détails, de sensations, de quelques mots ou de non-dits, … Les autres professionnels voient difficilement à quoi elle correspond, ils la considèrent souvent comme anecdotique, beaucoup de médecins ne s’y intéressent pas vraiment. Pourtant les données récoltées lors des soins coutumiers apportent une vision plus globale, une vision appartenant davantage à la personne ; c’est même souvent la porte d’entrée d’expression d’un problème plus existentiel. Dans les soins palliatifs, les soins coutumiers prennent encore plus d’importance ; les demandes des personnes en souffrance sont de plus en plus axées sur le bien-être (soulagement douleur, confort du corps, accompagnement quotidien). L’approche du médecin et celle de l’infirmière ne sont pas du tout opposées, elles sont complémentaires et une étroite collaboration est très importante pour le patient. C’est la communication entre soignants qui est primordiale : réfléchir ensemble au sens de nos interventions chez tel patient, définir des objectifs communs, ainsi que les rôles de chacune des professions sans oublier l’aspect ‘prendre soin’. Michel, ne risque-t-on pas d’être lassé par le suivi des patients âgés ? Avec les patients âgés, qu’on voit souvent au moins une fois par mois, qu’on connaît depuis longtemps, une certaine routine s’installe. Pour beaucoup d’entre eux, j’aurais pu décrire à l’avance ce qui se passerait dans la consultation : celui-là va être à l’avance, ou en retard, il va arriver essoufflé, il va dire que ça ne va pas, etc. Mais justement, le fait de pouvoir prévoir ce qui va se passer est dangereux, on peut passer à côté d’un élément nouveau ; il faut toujours rester très attentif, remarquer que la personne est un peu plus pâle que d’habitude, qu’elle boîte légèrement, qu’elle parle plus doucement, qu’elle a le hoquet, qu’elle tousse un peu plus… Des petites choses qui risquent d’être noyées dans la routine – d’autant plus que les patients âgés ont tendance à minimiser les symptômes, même s’ils sont signifiants, ou à s’appesantir sur des malaises qui ne sont pas très graves au niveau médical – les malaises digestifs, par exemple. Pour moi, une des manières d’éviter la routine, c’était d’accueillir des étudiants, j’alternais les visites seul (les patients aiment bien !) et les visites avec un étudiant qui permettaient de rappeler l’histoire. Donc je rappelais certains événements, et très souvent le patient y ajoutait quelque chose ; il disait que ce n’était pas exactement ça, ou qu’il y avait eu quelque chose de nouveau, qu’il ne m’avait pas dit. Et l’étudiant l’examinait avec un œil neuf, parfois il percevait quelque chose qui m’avait échappé. C’est très important d’inviter un regard neuf, cela permet de changer son propre regard et peut-être d’ouvrir autrement celui du patient. Comment réagir lorsque la fin de la vie approche ? Par rapport à d’autres médecins, je pense prendre la mort d’une façon assez banale, naturelle. A partir d’un certain moment, il faut parler de la fin de vie, bien avant que ce soit nécessaire, dès que le patient atteint 50, 60 ans, pour envisager avec lui ce qu’il souhaite pour sa fin de vie. Tous les dossiers de mes patients contenaient une feuille indiquant leurs volontés. C’est très important, et actuellement c’est légal, organisé, on peut remplir un document ad hoc à la commune : si un habitant de Forest a un accident à Arlon, le médecin ou l’assistant social d’Arlon téléphonera à la commune de Forest pour prendre connaissance de ses volontés (y compris pour le don d’organes, le don du corps à la science). Conseiller aux patients de remplir ce document donne aussi l’occasion d’envisager d’autres choses : quel est leur entourage, sur qui ils peuvent compter quand ils seront dépendants… Il y a aussi la question du placement en maison de repos, qui fait peur ; mais un placement trop tardif se passe souvent très mal. Donc c’est très important d’élaborer à temps quelque chose sur les hypothèses de placement, sur les volontés de fin de vie, avant qu’il y ait urgence : quand il y a urgence, les choses se font trop vite, et pas toujours pour le mieux. Il faut autant que possible éviter la mise en institution, et même l’hospitalisation ; beaucoup de personnes âgées ne veulent pas aller à l’hôpital, même pour des examens et bien sûr encore plus si on évoque une hospitalisation ; elles ont peur, que ce soit par crainte de ce qui va arriver à l’hôpital, ou de ce qu’une absence implique dans leur vie quotidienne – « qui va s’occuper de mon chat ? ». En ce qui concerne la fin de vie, la majorité des gens veulent mourir chez eux – mais plus les gens sont pauvres, plus ils risquent de mourir à l’hôpital. C’est injuste, parce qu’ils n’en ont pas plus envie que les gens aisés ; et c’est absurde, parce qu’il est beaucoup moins coûteux de mettre en place ce qu’il faut pour mourir chez soi qu’à l’hôpital. Mais le maintien à domicile implique une volonté, une organisation, une grande persévérance et beaucoup d’attention. Une fois encore, le rôle des infirmières est ici fondamental, Marie-Louise est bien placée pour décrire ce que cela implique dans le quotidien.

Soins intégrés : une nécessité

Le travail en maison médicale, soulignent les deux intervenants qui se sont exprimés ici, est un grand atout pour assurer un soin global et respectueux de la personne, parce que les soignants se voient, se parlent tous les jours. Ils peuvent se coordonner de manière naturelle, autour d’un patient qu’ils connaissent bien. Il existe bien sûr aussi les services de coordination des soins à domicile ; mais, souligne Michel Roland, ils ne comportent pas de médecin et l’expérience montre que les médecins ne participent pas activement aux coordinations, ils ont tendance à tout déléguer et finalement le lien se perd. Le médecin généraliste et l’infirmière ont un rôle de coordination (case management) à jouer en binôme. Le médecin généraliste a un rôle essentiel en matière de coordination horizontale ; reste à renforcer ses capacités d’écoute et de communication avec les autres soignants, sa perception de la dimension communautaire du soin. Il doit aussi soutenir une coordination verticale avec les spécialistes : les personnes âgées en consultent souvent plusieurs, et le cardiologue ne se soucie pas forcément du traitement prescrit par le gastro-entérologue, chacun fonctionne dans son domaine. Le généraliste doit donc faire la synthèse ; malheureusement beaucoup de médecins n’osent pas aller à l’hôpital, ils ont le sentiment d’être « pris de haut », ils dérangent, ils ne sont pas écoutés, comme s’ils ne connaissaient pas grand-chose… Parfois, on ne veut même pas leur montrer le dossier ! Il est pourtant important de consulter le dossier, d’y inscrire ses observations, ses recommandations. L’infirmière a aussi un rôle indispensable dans la coordination, différent de celui du médecin. Outre le fait qu’elle se coordonne au quotidien avec lui, elle fait le lien entre le pôle social, le pôle de l’aide, les familles… et le pôle médical. Elle agit dans des domaines complémentaires aux interventions du médecin. Le maintien à domicile, toujours un défi : quelques situations particulièrement lourdes décrites par Marie-Louise Fisette
Mr D et Mme P : 99 et 93 ans Mr D est atteint d’une maladie d’Alzheimer, Mme P souffre d’une importante cyphose du dos : elle fait souvent des chutes. Ils ont un fils qui gère toute une série de choses mais qui n’habite pas tout près. Ils sont restés à domicile jusque maintenant grâce au passage des infirmières qui assurent les soins d’hygiène de Mr (qu’il a fallu « apprivoiser », ce n’est pas facile d’accepter ce rapport à l’intimité) ; elles s’occupent aussi de gérer les médicaments de Mme (préparer-commander), de mettre des patchs antidouleurs, d’organiser l’apport de repas à domicile. Pourront-ils rester à domicile, devront-ils être placés ? Le maintien à domicile nécessitera des aménagements, le passage d’une aide-ménagère pour la lessive et différents travaux d’intendance… Il faudra travailler avec Mme pour qu’elle accepte tout cela.
Mr V et Mme R : 89 et 90 ans Mr V a une maladie de Parkinson très avancée, il ne sait plus se déplacer. Mme R a des petites pertes de mémoire. Elle assure les repas et les lessives avec l’aide de sa fille qui fait également les courses et de menus travaux ménagers. Une dame a été engagée pour les aider, elle vient tous les jours. Mme R a un caractère autoritaire. Elle accepte l’aide avec difficulté. Elle ne veut pas admettre que certaines compétences lui manquent. Sa fille est inquiète car l’attitude de sa maman vis-à-vis de son papa est à la limite de la maltraitance. Une médiation judiciaire a permis d’imposer que les soins soient réalisés par des professionnels. Jusqu’ici, ils ont pu rester à domicile grâce au passage, pour une même visite, de deux infirmières pour les soins d’hygiène de Mr V, le matin et le soir ainsi que pour gérer son incontinence ; elles assurent aussi la gestion des médicaments du couple (les commander, les préparer, les donner). Il y a également des aidants familiaux pour le ménage. Le défi, pour continuer le maintien à domicile, ce sera d’éviter l’essoufflement des aidants, et de gérer les conflits entre la mère et la fille (en tout cas de faire au mieux avec cette situation).
Mr E et Mme C : 88 et 86 ans Mr E a une maladie d’Alzheimer. Mme C souffre d’une insuffisance respiratoire avancée, elle est sous appareillage d’oxygène. Ils ont trois enfants actifs qui gèrent l’intendance mais ne sont pas toujours présents. Ils ont pu rester à domicile jusque maintenant grâce aux infirmières qui passent une fois par jour pour donner des soins d’hygiène à Mme C, gérer l’appareillage d’oxygène, l’aérosol ; ils reçoivent des repas à domicile. Le défi, c’est de savoir comment gérer les crises de détresse respiratoire lorsque Madame est seule avec son mari.
Mr V : 68 ans Mr V a eu une thrombose qui a entraîné une hémiplégie gauche avec rétraction des membres inférieurs et supérieurs – cause d’une importante rigidité. Il reste au lit, est incontinent (urines et selles), a pris beaucoup de poids, est difficilement mobilisable. Il vit avec son épouse qui prépare les repas, lui donne à manger et s’occupe de l’intendance. Ils sont d’un milieu défavorisé. Il a pu rester à domicile jusque maintenant grâce aux infirmières qui passent deux fois par jour pour assurer les soins d’hygiène (deux infirmières le matin, une le soir) et gérer l’incontinence. Il y a plusieurs défis dans cette situation : les soins sont très lourds pour le dos des infirmières ! Il y a des difficultés pour obtenir le matériel demandé ; un travail d’éducation alimentaire est nécessaire pour éviter de nouvelles prises de poids. En plus, l’épouse risque de s’essouffler, et le couple a une attitude exigeante et non respectueuse envers les soignants…
Mr C : 68 ans Mr C a une sclérose en plaques. Il n’a plus la force de rester dans son fauteuil, il reste au lit. Avant, les infirmières le levaient et il pouvait circuler avec son fauteuil roulant. Ses enfants sont en France, il ne les voit plus. Des démarches ont été effectuées afin qu’il reçoive toutes le aides financières auxquelles il a droit. Il a pu rester chez lui jusque maintenant grâce aux infirmières qui passent deux fois par jour pour ses soins d’hygiène – et plus s’il appelle pour aller à selles, pour gérer l’élimination (change du lange et débouchage manuel). Il reçoit aussi des repas à domicile. Une aidefamiliale fait les courses et le nettoyage, rend certains services (interactions avec la banque par exemple). Il a aussi un ami, alcoolique, et une voisine de 15 ans payés pour aider à l’intendance et aux courses. Pourra-t-il rester à domicile devra-t-il être placé ? S’il reste à domicile, il faudra faire en sorte que l’aide ne s’essouffle pas… Monsieur est clair, il ne veut plus aller à l’hôpital. Malgré ses réticences à aborder le sujet de son décès, nous devrons en parler avec lui : savoir que faire, qui prévenir…

Documents joints

  1. Université de Liège – service communautaire de promotion santé.
  2. Danielle Moreau, « Ethique clinique et pratique infirmière », in Revue « Soins » n°618 et 619, septembre et octobre 1997.

Cet article est paru dans la revue:

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