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Au terme de cette journée et des travaux qui y ont conduit, les participants du Forum ’Santé pour tous’ dénoncent les menaces qui pèsent sur la santé des gens d’ici (et d’ailleurs) et formulent des propositions basées sur les valeurs fondamentales qui les rassemblent : la solidarité et le bien-être pour tous.

Bienvenue à tout le monde ! Nous sommes tous rassemblés ici, syndicalistes, mutuellistes, militants pour la santé, travailleurs de la santé, membres d’organisations non gouvernementales et d’associations, personnes du monde universitaire, du monde politique. Mais surtout, nous sommes ici entre citoyens du monde d’aujourd’hui et de demain. Notre journée de mobilisation de ce jour fait suite à une rencontre particulièrement passionnante, qui a rassemblé hier les militants de la santé du Nord et du Sud – non pas de la Belgique, mais du monde entier. (ndlr : le 17 octobre, en « préambule » au forum s’est tenu un atelier « Nord-Sud »). Nos hôtes venus du Sud, qui sont également assis dans cette salle ont beaucoup de choses à nous raconter et à nous apprendre : merci Arturo, venu d’Equateur, David originaire d’Afrique du Sud, Emma et Susan des Philippines, Ernesto de Cuba, etc. Nous sommes rassemblés afin de synthétiser les analyses, exigences et propositions d’action développées aujourd’hui au cours des différents forums, mais également pour brosser le tableau de ce qui attend la Plate-forme d’Action Santé et Solidarité et pour finalement agiter ces sujets sous le nez des ministres responsables.

Les objectifs de la Plate-forme

Une maladie grave ? Ou chronique ? Une opération imprévue ? Cela peut arriver à tout le monde. Et pourtant… Il y a d’énormes inégalités face à la maladie et à la santé. Et ce n’est pas un hasard. La santé de chacun est, plus qu’on ne le pense, déterminée par des facteurs économiques et sociaux. C’est pour cela qu’elle dépend de choix politiques. La santé n’est pas une affaire de destin, on peut changer les choses. A fortiori si tout le monde s’y met. Il y a 30 ans, la déclaration d’Alma Ata a montré le chemin : elle a affirmé, je cite, que « La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social et ne consiste pas seulement en l’absence de maladie ou d’infirmité ; qu’elle est un droit fondamental de l’être humain, et que l’accession au niveau de santé le plus élevé possible est un objectif social extrêmement important qui intéresse le monde entier. Que cela suppose la participation de nombreux secteurs socioéconomiques autres que celui de la santé. Tous les pays se doivent de coopérer dans un esprit de solidarité et de service ». Se retrousser les manches et faire ce qu’il faut ! C’est ce que nous voulons à travers la Plate- forme d’Action Santé et Solidarité. Nous voulons agir pour des politiques de santé équitables et solidaires en Belgique, en Europe et dans le monde. Ensemble, on se sent plus forts pour lutter contre les pressions néolibérales qui menacent la protection sociale et l’accessibilité à la santé pour tous. Ensemble, on peut encourager et défendre un modèle socioéconomique centré sur la solidarité et non sur le profit, et proposer des politiques de santé et de bien-être pour tous. Nous allons parcourir ensemble les résultats, les revendications et quelques pistes d’action que vous avez collectivement mis en avant durant les cinq ateliers/conférences d’aujourd’hui. Inégalités sociales et accessibilité aux soins La situation de la santé est particulièrement inégale entre les différentes parties du monde. Alors qu’en Belgique, l’espérance de vie est de 79 ans en moyenne, elle est à peine de 42 ans en Sierra Leone. Si les banques ne se portent pas très bien en Islande, la santé en revanche se porte encore (provisoirement du moins) bien ; si le nombre de bébés qui meurent partout dans le monde pouvait être aussi réduit qu’en Islande, plus de 6 millions d’enfants par an pourraient être sauvés. Selon un récent rapport de l’Organisation mondiale de la santé, ce ne sont ni la malaria, ni la tuberculose, ni le SIDA qui tuent le plus grand nombre de personnes dans le monde, mais bien l’injustice sociale. Il y a un rapport direct entre votre situation socio-économique et votre situation de santé, qu’on peut résumer comme suite « au plus pauvre, au plus malade ». Et ceci vaut également pour notre propre petit – et pourtant riche – pays. Chez nous, si vous appartenez à la classe sociale la plus faible, vous présentez 45 % de risques en plus qu’une personne située plus haut dans l’échelle sociale de décéder dans l’année ; 55 % de risques en plus de souffrir d’une incapacité de travail de longue durée ; et 66 % de risques en plus d’être victime d’une invalidité. Et cette inégalité ne fait qu’augmenter. Les personnes ayant un revenu réduit doivent également consacrer une plus grande partie de leur revenu aux soins de santé : ces derniers représentent en effet 14 % de leur revenu, alors qu’ils ne représentent que 3 % pour les personnes aisées. Un dernier chiffre qui interpelle : parmi les familles disposant de moins de revenus, une sur cinq reporte des soins médicaux nécessaires pour raisons financières. Allo, vous avez dit Etat providence ? Nous voulons rappeler au bon souvenir du Gouvernement leur plan fédéral de Lutte contre la pauvreté*, et voulons que les engagements pris à ce niveau soient réalisés à la lettre : • Celui-ci s’engage à améliorer l’accès aux soins de santé en supprimant les obstacles financiers et administratifs. Il est impensable que quelqu’un puisse encore être arrêté à la porte d’un hôpital parce qu’il n’est pas en mesure de payer un acompte. Le système du tiers-payant doit être simplifié et amélioré. • Le Gouvernement s’est également engagé à fournir les informations nécessaires et de meilleure qualité afin de simplifier l’accès aux soins aux personnes confrontées à des problèmes financiers. La carte santé du CPAS et le statut OMNIO constituent de bons exemples de ces efforts à fournir. Mais nous souhaitons surtout que l’inégalité socio-économique en matière de santé fasse l’objet d’une approche globale. Il s’agit de tenir compte en toutes circonstances et partout des facteurs sociaux ayant un impact sur la santé, et d’agir sur ces facteurs afin de pouvoir diminuer les inégalités en matière de santé de façon durable. Le Gouvernement doit tenir compte de la dimension de la santé à tous les niveaux en Belgique, aussi bien dans sa politique d’emploi, que de logement, de transport, d’enseignement et de culture. Pour ce qui est du Sud, il faudra également procéder à une évaluation de l’impact sur la santé des traités commerciaux internationaux, dans la politique étrangère et dans la politique de développement de la Belgique. Les recommandations du rapport de l’Organisation mondiale de la santé sur les facteurs sociaux déterminants pour la santé devraient également être traduites dans la politique belge.

Soins de santé primaires

« Les soins de santé primaires sont le moyen qui permettra d’atteindre cet objectif de santé pour tous dans le cadre d’un développement empreint d’un véritable esprit de justice sociale. ». C’est le postulat de la déclaration d’Alma Ata. Pourtant, la première ligne n’est pas suffisamment soutenue. Face à des problèmes de santé de plus en plus complexes, les personnes ont besoin d’une vision globale de leur situation. Quand on a vu différents spécialistes, pour le coeur, pour le diabète, pour le genou qui fait mal, on a besoin de « remettre tous les morceaux ensemble », en tenant compte aussi de notre contexte de vie. Le médecin généraliste peut jouer un rôle important de conseiller, il peut rassembler les informations et les actions à mener. Il peut accompagner, soutenir, en lien avec les spécialistes et d’autres professionnels de terrain. Nous demandons la reconnaissance et le financement de cette fonction de synthèse du médecin généraliste. Nous demandons aussi que les politiques de santé soutiennent cette dimension globale et intégrée qui tient compte non seulement du soin mais de l’ensemble des facteurs du bien-être. Il faut arrêter le découpage des soins et des problèmes de santé en thématiques qui compliquent les trajectoires des patients et le travail de la première ligne. La première ligne de soins, ce n’est pas seulement le médecin généraliste, mais beaucoup d’acteurs qui doivent travailler ensemble pour soutenir la santé des individus et des populations. Il s’agit de considérer toutes les questions physiques, psychiques, sociales qui concernent chaque individu. Pour cela, il faut des services de soins, mais aussi de soutien quotidien, d’accompagnement psychosocial, de prévention, de promotion de la santé. Interdisciplinarité, accessibilité et qualité sont des éléments-clés. Nous demandons la reconnaissance et le financement adéquat des différentes tâches et de tous les intervenants de la première ligne. La coordination et la collaboration entre les différents métiers de la première ligne est fondamentale, comme entre la première et la deuxième ligne, c’est-à-dire entre les acteurs qui accompagnent la personne au plus près de son domicile ou de sa maison de repos et les acteurs spécialisés ou hospitaliers. Chacun a son rôle, avec des objectifs communs. Nous refusons le système de concurrence, et nous demandons la reconnaissance et le financement de cette fonction de coordination entre les différentes disciplines de la première ligne et entre la première ligne et les services plus spécialisés. La formation des professionnels de la santé mérite plus d’attention. Formation de base et continuée, aussi et surtout dans la rencontre et l’« inter-formation » entre les disciplines. De même la recherche en soins de santé primaires est pratiquement inexistante en Belgique. Pourtant elle peut soutenir la qualité, l’efficience, le développement d’actions innovantes et utiles, notamment. Il existe de nombreux obstacles à l’accessibilité de la première ligne. Des obstacles culturels, géographiques et financiers. Pourtant, cette ligne de soins est fondamentale dans le système offert aux personnes. Elle facilite une vision plus globale de chacun, permet un accompagnement au plus près du lieu de vie de chacun, elle facilite la diminution des inégalités sociales de santé et elle contribue à l’efficience globale du système. Nous demandons des mesures qui encouragent les patients à passer d’abord par la première ligne, et qui rendent son accessibilité maximale. Notamment, nous osons envisager la gratuité de l’accès à la première ligne. Certains outils existent qui vont dans le sens de ce que nous défendons : par exemple, le Dossier médical global qui permet l’inscription et le rassemblement des informations auprès du généraliste, le statut OMNIO qui favorise l’accessibilité financière aux soins. Mais ces outils ne remplissent pas suffisamment leurs objectifs, ils ne sont pas suffisants. Il faut y travailler et aller plus loin !

Médicaments

Dans de nombreux cas, les médicaments constituent un remède indispensable pour combattre la maladie et les problèmes de santé. Mais derrière les médicaments se tient l’industrie du médicament, une industrie pharmaceutique qui ne place pas toujours votre santé et la mienne au centre de ses préoccupations – sans parler de la santé des habitants des pays du Sud – mais plutôt leur profit maximal. En effet, il n’y a aucune raison que les médicaments soient aussi chers ! • Pour le prix d’une boîte de paracétamol, l’antidouleur/antifièvre le plus utilisé en Belgique, vous obtenez 8 boîtes dans un supermarché aux Pays-Bas et 6 boîtes dans une pharmacie de ce même pays. Et ce, grâce à une politique d’achat centralisé par le Gouvernement, après une adjudication publique où seul le producteur qui fournit le paracétamol le moins cher peut devenir fournisseur. • Aux Pays-Bas, les assureurs en soins de santé (privés) ont eux aussi intégré une série de médicaments fréquemment prescrits à un système d’appel d’offres. Ils ont ainsi pu obtenir des firmes pharmaceutiques des réductions de prix de plus de 90 %. Aux Pays-Bas, l’antidépresseur Cipramil® coûte maintenant 14 fois moins cher qu’en Belgique ; le Zocor® (simvastatine), un hypocholestérolémiant, y est 10 fois moins cher qu’en Belgique, et l’antihypertenseur Amlor® coûte également 10 fois moins cher. Une réduction de prix similaire en Belgique pour les 7 médicaments les plus utilisés permettrait de réaliser une économie de 205 millions d’euros. Nous voulons également étudier avec un regard critique la qualité des prescriptions et des informations existant à l’attention des médecins et des patients. En effet, les informations commerciales inciteront le prescripteur à moins bien prescrire et à opter pour des produits plus chers ; des informations indépendantes entraîneront un accroissement de la qualité de prescription et une réduction des coûts. Mais cela ressemble à un combat presque perdu d’avance. Le budget pour le marketing commercial des médicaments atteint en effet 400 millions d’euros par an – contre à peine 1 million par an pour les informations indépendantes sur des médicaments. Car les médecins sont harcelés, conditionnés, et/ou séduits par 3.500 délégués commerciaux – et face à eux, seulement 10 ’pauvres’ fournisseurs d’informations indépendants. Nous demandons que le Gouvernement bride l’influence commerciale subie par le médecin et le patient, et investisse davantage dans l’information indépendante. Les budgets marketing de l’industrie pharmaceutique doivent absolument être plus transparents. Le Gouvernement pourrait également imposer une taxe sur ce budget, comme c’est le cas en France. Nous voulons que les budgets actuels consacrés à l’information indépendante soient doublés. En outre, le sponsoring de l’industrie pharmaceutique doit être écarté du recyclage des médecins. Afin de réduire les prix des médicaments, nous préconisons le modèle kiwi : • Grâce à un achat centralisé via appel d’offres public, le vaccin contre la grippe pourrait être obtenu gratuitement et directement auprès du médecin généraliste, sans coût supplémentaire pour l’assurance maladie. Le vaccin contre la grippe peut être intégré facilement au système existant de Vaccinet, qui doit ensuite être étendu à l’ensemble de la Belgique. Sujet sur lequel il faudra s’accorder lors d’une conférence interministérielle. • Si le ministre de la Santé publique émettait une adjudication publique pour le paracétamol, en accordant un remboursement préférentiel au fournisseur qui offre le prix le plus bas – comme c’est déjà le cas pour l’aspirine dans le cadre de la prévention des maladies cardio-vasculaires –, le prix serait fortement réduit et le paracétamol pourrait être totalement remboursé pour les patients atteints de douleur chronique, sans frais supplémentaire pour l’INAMI. Dans l’intérêt des pays du Sud surtout, nous demandons que l’accord TRIPS (ou ADPIC, Accord sur les droits de propriété intellectuelle et commerciale) de l’Organisation mondiale du commerce qui prolonge le droit des brevets sur les médicaments à vingt ans minimum, soit annulé. Tant que l’accord existe, toutes les mesures qui permettent de contourner l’accord TRIPS ou qui autorisent des exceptions doivent être soutenues afin de permettre également de produire et de vendre les médicaments protégés par un brevet à moindre coût. Au début de cette année, nous avons mené avec succès une action visant à exiger la gratuité du vaccin contre la grippe. Nous prévoyons d’autres actions, comme par exemple aller acheter du paracétamol et d’autres médicaments aux Pays-Bas afin de montrer clairement aux gens et aux responsables politiques à quel point le modèle kiwi entraîne une grande différence de prix. Conditions de travail du personnel soignant On parle beaucoup de la pénurie des professionnels de la santé : trop peu de médecins généralistes, trop peu de médecins dans les hôpitaux, trop peu d’infirmières surtout… C’est la question de l’attractivité de ces métiers qui est posée. Comme exemple important, on peut se pencher sur le métier d’infirmière : sa charge de travail, les problèmes d’horaires, la charge physique, mentale et psychique de ce métier. La difficulté de concilier vie professionnelle et vie privée. La profession insuffisamment reconnue par les autorités, les employeurs, les médecins. Une représentation pas assez positive de ce métier par les jeunes, les parents, la société. Cette situation n’incite pas à entrer dans ce métier mais incite ceux qui y sont entrés à l’abandonner ou à fuir les secteurs de soins les plus lourds. Si rien n’est fait, certains prévoient une énorme pénurie dès 2015, et ce problème touche d’autres professions. Des améliorations ont eu lieu ces dernières années, mais même appliquées dans leur totalité, elles restent nettement insuffisantes. Il faut plus de personnel dans le secteur de la santé, pas seulement les 7.000 professionnels de l’accord en cours mais bien plus selon le Bureau du plan : jusqu’à 60.000 d’ici 2013 pour tout le non marchand. Ce n’est pas seulement du personnel infirmier qui est nécessaire et pas seulement à l’hôpital. Les besoins ont changé. A côté des soins aigus, il y a tous les soins à domicile. On a aussi besoin d’assistants sociaux, de psychologues et de bien d’autres métiers, aussi pour faire de la prévention. Il est important que des financements nouveaux permettent des vrais emplois nouveaux, dans la transparence, et en augmentant les possibilités de travailler à temps plein. Il faut plus que du personnel nouveau, il s’agit aussi de se pencher sur les conditions de travail de ces professionnels : c’est important pour les travailleurs, mais aussi pour la qualité du travail et des services reçus par les patients. Il faut des équipes organisées autour de métiers repensés adaptés aux besoins. Il faut que les gens soient suffisamment heureux dans leur travail et suffisamment rémunérés pour avoir envie d’entrer dans ces métiers et d’y rester. Il faut aussi du leadership à tous les niveaux : • Au niveau fédéral et régional, il faut un nouveau management de ces questions : on propose de réunir d’urgence une conférence interministérielle, rassemblant les différents ministres de la Santé, de l’Emploi et de l’Enseignement sur cette question, et qui mettra en action tous les acteurs concernés dans les deux ans à venir. • Au niveau des hôpitaux, des maisons de repos, des soins à domicile, on a besoin de chefs de service mieux formés à la gestion des équipes, d’une attention particulière pour le travail en équipe, d’une valorisation du métier, d’un plan et de temps pour la formation continuée. Le travail doit être organisé en tenant compte plus de la qualité de vie, professionnelle et privée, que du souci de rentabilité. Gestion des horaires et des imprévus, coordination des équipes, encadrement psychologique, relations interpersonnelles, supervision, etc. Il faut créer pour le personnel les conditions d’une participation active au projet et à l’organisation des services. On propose de s’atteler à une formation intensive des chefs de service dans les deux ans à venir. • Au niveau de la concertation sociale, les partenaires sociaux doivent être plus attentifs aux aspects qualitatifs des métiers et ne pas négocier uniquement sur base du critère financier mais se préoccuper de développer les ressources humaines très concrètement. • Enfin, il faut interdire que le personnel soit un objet de marché en allant débaucher des infirmières ou médecins dans les pays en voie de développement ou dans les nouveaux pays d’Europe. On crée une crise terrible dans ces pays : là où les besoins en soins de santé sont les plus criants, le personnel qualifié disparaît au profit des pays occidentaux. Les responsables de nos organisations, qui siègent dans les instances internationales doivent établir des codes d’éthique à ce sujet et établir des règles pour que tous les pays aient du personnel de santé en suffisance et en qualité, surtout ceux qui sont déjà le plus en difficulté. Si les professions redeviennent plus attractives chez nous, il ne sera plus nécessaire de faire appel aux professionnels venant des pays du Sud ou de l’Est. De même, si la coopération permet le développement de soins de santé de qualité et accessibles dans le sud, avec des salaires et des conditions de travail décentes, de plus en plus de travailleurs de la santé ne seront plus amenés à émigrer. Mais il faut de toute façon, chez nous, une politique de santé ouverte à l’interculturalité, une politique d’emplois ouverte aux immigrés vivant déjà ici ainsi qu’une formation de tout notre personnel à l’altérité rencontrée dans la population et chez les patients.

Commercialisation des soins

En Belgique, la commercialisation des soins n’est pas encore aussi tangible que dans le film Sicko de Michael Moore, mais elle s’intensifie néanmoins aussi chez nous. Sans que vous en ayez vraiment conscience, ce sont votre compte en banque et votre santé qui en font les frais. C’est dans le secteur des soins de santé que le phénomène de commercialisation a déjà progressé le plus. De gros groupes financiers investissent dans des maisons de repos et de soins et possèdent déjà actuellement pratiquement un tiers des maisons de repos en Belgique. Une partie de ces groupes se spécialise dans le ’recueil’ de clients aisés. Les compagnies d’assurance privées ’montantes’ sont plus intéressées par les clients jeunes, riches et en bonne santé que par les personnes âgées, malades et sans le sou ; or ce sont typiquement celles-là qui ont besoin d’une bonne assurance. Certains hôpitaux se spécialisent et n’acceptent plus que les interventions les plus rentables. En revanche, elles offrent de plus en plus de services généraux, surtout logistiques. C’est ainsi que lorsque vous pénétrez dans le hall d’entrée de certains hôpitaux, vous trouvez un point poste, une banque, des magasins, une blanchisserie, etc. Vous finissez presque par vous demander si on y soigne encore des malades ! Nous plaidons pour un système de soins de santé basé sur un financement solidaire, via la sécurité sociale. Si certains proposent de résoudre les problèmes de financement en partageant les soins de santé, d’une part entre un package universel via l’assurance maladie, et d’autre part une offre complémentaire que le patient règle lui-même, il faut être conscient que cette piste est dangereuse car elle ne fera qu’accroître les inégalités de façon dramatique. Notre modèle actuel de soins de santé et de services sociaux est basé sur les principes de solidarité, de qualité, de facilité d’accès, et ’d’abordabilité’. La commercialisation et les principes de marché mettent ces valeurs en danger, mènent à une plus grande dualisation, et engendrent un système de soins de santé à deux vitesses. Le secteur des soins de santé doit se baser sur une logique non-commerciale, car la santé n’est pas une marchandise, mais un droit. Nous demandons au Gouvernement de garantir la sécurité sociale et ses principes de solidarité. Les possibilités existant pour les assurances privées de s’immiscer dans ce système doivent être limitées. Les autorités nationales, régionales et locales doivent réagir aux nouveaux besoins à temps, afin de ne pas laisser la possibilité aux acteurs commerciaux de pallier les ’lacunes’ de l’offre. Ceci vaut essentiellement pour les soins de santé aux personnes âgées, pour l’accueil de l’enfance ainsi que la construction et les transformations d’hôpitaux. Le Gouvernement doit avoir la liberté de déci- der d’attribuer moins de subsides aux acteurs commerciaux. Il doit fixer les conditions auxquelles doivent se plier les prestataires de soins : critères de qualité, forme juridique, fonctionnement. Et il doit limiter l’attribution de subsides aux prestataires de soins qui sont reconnus sur cette base. Le législateur belge peut prendre des initiatives pour définir le cadre légal qui protège les soins de santé et les services sociaux du marché. Au niveau européen, la Belgique peut également agir en plaidant pour une directive européenne sur les services sociaux d’intérêt général. Sur le plan international, nous demandons que tous les accords commerciaux bilatéraux et multilatéraux restent en dehors du domaine de la santé, et qu’on s’oppose à une évolution allant dans le sens d’une plus grande privatisation et une plus grande commercialisation des soins de santé via de tel accords – tel que l’Accord général sur le commerce des services – AGCS de l’Organisation mondiale du commerce. Le maintien et le renforcement de notre modèle social n’est pas une ’fatalité’. C’est une question de choix politiques. Mais également d’acceptation par la population. Les syndicats, les organismes de mutuelle et d’autres organisations sociales ont un rôle important à jouer à ce niveau. Nous comptons sur vous !

Conclusion

Il y a du pain sur la planche ! A nous de veiller à ce que ces revendications soient portées dans les mois et années qui viennent. A nous de les adapter au fil des évolutions de notre Monde. En Belgique, mais aussi avec nos voisins de près ou de loin. Avec toujours, comme fil d’Ariane, les valeurs qui restent fondamentales pour nous et qui nous rassemblent : la solidarité et le bien-être pour tous. .

Documents joints

Cet article est paru dans la revue:

Santé conjuguée, n° 47 - janvier 2009

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