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Des cas en pagaille

Situation n°1 : Désir de grossesse et mineurs d’âge

Une association démunie face au désir de grossesse d’une mineure cherche le soutien du planning pour empêcher la concrétisation du projet. En réunion, le jeune couple défend son idée et précise que la précarité dans laquelle il se trouve n’est pas un problème : il a l’habitude de la gérer. Le planning aide les jeunes à questionner leur projet mais ne souhaite nullement prendre une position moralisatrice.

La position dans laquelle les jeunes sont mis interpelle. Au nom de quoi doivent-ils se rendre à un rendez-vous pour se justifier ? L’association concernée transmet la demande des jeunes vers le planning mais méconnaît sa propre demande. Ne faudrait-il pas davantage soutenir l’association qui semble en difficulté ? Cette étape préalable paraît indispensable car l’éducateur semble le seul à avoir un besoin. Comment peut-il accueillir les questions, les doutes, les demandes des jeunes s’il ne s’interroge pas sur ses propres questions, doutes et demandes ? Quid des ressources pour les travailleurs sociaux ? Ont-ils le temps et les ressources suffisantes pour prendre du recul, pour réfléchir à leurs pratiques professionnelles ?

Chaque situation recèle différentes demandes : celles des usagers, de l’intervenant professionnel et celle de l’institution. Comment ne pas les confondre ? Accueillir la / les demandes de l’autre passe par le fait d’identifier ses propres demandes. Inscrire et instituer des pratiques de réseaux peut soutenir les institutions et leurs travailleurs.

Cette situation a permis d’identifier différents facteurs de précarité :

isolement social du jeune couple ;

manque de moyens financiers ;

désir de grossesse monoparental ;

désaccord au sein du couple car le jeune homme ne se sent pas prêt ;

âge du jeune couple (15 ans) et difficulté de prendre ses marques en dehors de la famille ;

désir de reconnaissance sociale en plus d’une perte d’estime de soi chez le jeune.

Un premier constat est partagé : prendre soin du couple, de la mère et du père est essentiel si l’on veut protéger l’enfant. Or, il manque d’infrastructures pour soutenir un jeune couple en projet de parentalité. Les premières questions émergent : peut-on devenir parents dans une situation précaire ? Un jeune couple précarisé ne risque-t-il pas de se précariser davantage ?

A partir de cette situation, différents éléments ont été mis en évidence. Ils vont influencer la lecture de toutes les situations qui suivent et les éventuelles pistes de travail qui en résultent :

Les normes sociales et politiques établies : elles disent qu’un projet parental ne peut s’inscrire que dans certaines conditions. La société véhicule des normes qui précarisent le travailleur dans son action et par la même occasion précarisent le bénéficiaire.

La position que l’on occupe (travailleur, stagiaire, coordinateur, homme, femme, usager…) influe sur la perception que l’on a des facteurs de précarité à l’œuvre dans une situation. Les usagers et les professionnels ont bien souvent des points de vue différents sur la question, ce qui rend la rencontre plus difficile. Il est bien souvent essentiel de se décaler de ses propres points de vue pour rencontrer l’autre : qu’il partage ou non le projet de l’usager, le professionnel peut alors l’entendre.

L’orientation institutionnelle : son histoire, ses valeurs, son orientation philosophique, ses repères théoriques, ses pratiques de (non) collaboration… vont également influencer les prises de décision.

Les représentations individuelles ou collectives : elles doivent être questionnées. Certains travailleurs sociaux disent, par exemple, que des personnes toxicomanes ne peuvent pas avoir d’enfants.
La seule voie possible, c’est de prendre conscience de nos représentations. Car une représentation à notre insu est plus opérante qu’une représentation consciente, qu’il est alors plus aisé de mettre de côté. L’intervision prend ici tout son sens. Une réflexion en équipe interdisciplinaire, permettant de croiser les regards entre professionnels, est essentielle. Sans cela, certaines interventions des services sociaux renforcent parfois la précarité d’une situation, par exemple, le manque de confiance accordée aux parents (« je ne te crois pas »). Dans certain cas, la pression exercée sur la femme enceinte est déjà insupportable : l’enfant n’est pas encore là et la mère se sent déjà incompétente.

Les facteurs de précarisation sont toujours multiples, leur cumul augmente la précarité.
La société véhicule des normes qui précarisent le travailleur dans son action et par la même occasion le bénéficiaire. Dans certains cas, les interventions des services sociaux peuvent renforcer la précarité d’une situation. Les valeurs de notre société, les enjeux des institutions et les représentations doivent toujours être questionnées. La création de temps et de lieux formalisés où peuvent se rencontrer des travailleurs de champs différents, est essentielle pour qu’ils puissent croiser leurs regards et penser collectivement leurs pratiques. Il manque d’infrastructures qui peuvent aider un jeune couple en projet de parentalité.

Situation n°2 : Désir de grossesse et illégalité

Un couple sans-papier exprime un désir de grossesse. Etant en situation illégale, ce couple bénéficie de l’aide médicale urgente. Cependant, une intervention financière pour des examens supplémentaires visant à mettre en évidence un éventuel problème de fertilité ne semble pas possible. La vie affective et sexuelle doit-elle s’arrêter parce qu’un couple est sans-papier ?

Le travail en réseau peut apporter une première réponse :
une orientation /collaboration avec des centres de planning familial qui pratiquent des accompagnements de grossesses est une possibilité. Face à une situation comme celle-là, chaque institution peut se positionner et apporter une réponse particulière.

Dans ce cas précis, un lien de confiance et de respect s’est créé entre le professionnel et le couple, ce qui fut très précieux : il était important de rester aux côtés de ces personnes sans être trop « le nez dans leur question ».
Les usagers se sont sentis écoutés par le travailleur social et sont revenus. Ceci montre que le travail effectué en lien avec la santé a, en soi, probablement aidé ces personnes.

Cette note positive ne gomme pas les sentiments d’impuissance et d’isolement que ressentent certains travailleurs.

Il existe parfois un décalage entre la réponse individuelle du travailleur et la réponse institutionnelle. Ce décalage peut mener à une certaine précarisation du travailleur dans son action.

Le travail en réseau peut apporter une première réponse : une orientation /collaboration avec d’autres ressources. Cela n’empêche aucunement le décalage qui s’opère entre la réponse individuelle du travailleur et la réponse institutionnelle.

Situation n °3 : Désir de grossesse et toxicomanie

Une accueillante d’un planning reçoit une jeune femme toxicomane en désir d’enfants. Cette situation est exemplative d’une rencontre générant un tiraillement chez l’accueillante : comment se situer entre l’accueil de ce désir d’enfant et le constat d’un contexte difficile ?

L’échange avec l’accueillante permet d’identifier les facteurs de précarité suivants :

mauvaise santé (dépendance aux produits psychotropes) ;

logement non adapté à une vie de famille ;

fragilité psychologique ;

niveau de revenus faible ;

méconnaissance de ses droits ;

rupture familiale ;

réseau social très peu soutenant.

Les usagers qui cumulent plusieurs facteurs de précarité se livrent peu, et ils sont précis dans leur demande car ils ont peur du jugement et des sanctions. Le travail du professionnel consiste donc à ouvrir le champ, à identifier d’autres facteurs et à proposer une offre. L’objectif est de trouver ce qui fait lien avec ces personnes et à le nourrir pour qu’elles n’aient pas peur de revenir.

La question du lien avec le(s) professionnel(s) prend une autre dimension lorsque les intervenants se multiplient : il arrive que les professionnels se retrouvent à 15 autour d’une même situation. Il faut donc un cadre très précis pour organiser les rencontres entre ces différentes institutions.

La peur du jugement peut faire taire et occulter certains facteurs de précarité. En pareil cas, on observe une tendance des usagers à nommer des demandes très ciblées. Le travail du professionnel consiste dès lors à ouvrir le champ, à identifier d’autres facteurs et à proposer une offre. L’objectif est de trouver ce qui fait lien avec ces personnes et à le nourrir pour qu’elles n’aient pas peur de revenir.

Travailler en collaboration suppose qu’en amont de toute situation concrète soit pensées collectivement les modalités d’un travail en commun. Cette réflexion préalable permet d’éviter le travail dans l’urgence.

Situation n°4 : Soutien des capacités parentales

Une adolescente vient confier son inquiétude au planning. Elle est la marraine d’un bébé que les parents ne veulent confier à personne d’autre parce qu’ils ont peur qu’on le leur retire. Leurs multiples sollicitudes deviennent trop lourdes pour elle. Elle s’interroge sur le lien qui l’unit à ces jeunes parents ; elle se demande comment elle a pu accepter d’être si liée à une famille précarisée, qui ne vient pas du même monde qu’elle… Elle a envie de tout arrêter et même d’appeler la police

La réflexion qu’elle mène avec le professionnel de la santé lui fait prendre conscience qu’en fin de compte, ces parents s’occupent bien de leur enfant et que le soutien qu’elle leur apporte est bénéfique ; mais il est trop lourd à porter seule.

Accompagner l’entourage proche est une façon de soutenir les parents et l’enfant. Le travail du professionnel n’est pas de trouver une solution au problème que la personne expose mais de cheminer avec elle.

Situation n°5 : SIDA et aide médicale

Une patiente séropositive qui a quitté le centre de réfugiés s’installe avec l’aide du CPAS. Elle introduit une demande d’asile et reçoit l’aide médicale urgente. Un beau jour, sa demande d’asile est refusée. Il en découle qu’elle ne reçoit plus d’aide financière ni d’accès gratuit aux consultations médicales et aux médicaments.

L’interprétation de l’intervenante est que cette dame souhaite s’insérer et s’intégrer mais elle n’en a pas les moyens. Elle est face à une impossibilité culturelle de retourner au pays car ce serait la honte.

Les besoins primaires ne sont plus assurés et le travail social ne peut rien y faire.

Les personnes séropositives qui reçoivent un ordre de quitter le territoire n’ont plus droit à rien. Elles doivent accepter des conditions de vie dégradantes ; elles ne trouvent plus aucun lieu pour se loger, non plus droit à aucun moyen de subsistance. Seules les familles avec mineurs peuvent encore espérer (mais pas toujours) pouvoir accéder à un centre d’accueil.

Certains membres de la Plateforme constatent que cette situation de non-droit touche de plus en plus leur public.

Quel est le lien entre les actions des usagers et des professionnels ? Le désespoir est commun mais pas les actions. Dans le cas des illégaux, l’institution mandate le travailleur social pour faire un travail difficile.

Cette réflexion a abouti à plusieurs constats qui méritaient d’être approfondis :

le manque de structures d’accueil pour la petite enfance et particulièrement pour les jeunes parents isolés ;

la zone de non-droit dans laquelle se trouvent les personnes sans-papier ;

l’absence de place pour le public dans le lien entre professionnels et politiques.

Ces constats mettent en lumière des problèmes que la société ne prend pas en charge. Or, les travailleurs se sentent coincés entre cette non-prise en charge et la détresse humaine qu’ils ont sous les yeux et pour laquelle ils ne peuvent être indifférents. Puisque rien n’est prévu, la réponse apportée est individualisée (du cas par cas) et souvent du bricolage.

L’emprise du non-droit…

La zone de non-droit s’élargit, la zone d’intervention se rétrécit. La zone de non-droit du travailleur augmente également puisqu’il n’a plus aucune prise, plus aucune reconnaissance de l’importance de son travail. Quel poids a-t-il encore ?

Situation n°6 :

Violence conjugale et droit des étrangers

Une femme de 28 ans, albanaise et mère d’une fille de 4 ans, est victime de violences conjugales.
Le planning et d’autres partenaires tentent de lui venir en aide.
Avant d’arriver en Belgique, cette personne est passée par l’Italie où elle a fait des études universitaires. Elle a quitté l’Italie pour rejoindre son compagnon en Belgique où elle vit depuis 9 ans. Elle n’a pas de titre de séjour.

Pendant sa grossesse, elle a reçu des coups de son mari et les voisins ont dû intervenir pour la protéger. Elle vit une situation de stress importante, se sent seule, sans ressources et écrit une dizaine de pages pour expliquer son parcours de vie et appeler à l’aide. Elle participe avec sa fille à l’atelier parents/enfants mis en place par le planning et ses partenaires dans le quartier.

Le père n’a pas encore reconnu sa fille mais souhaite le faire, ce qui angoisse terriblement la mère : elle craint de perdre sa fille. Le père fait partie du grand banditisme (trafic d’armes, prostitution). Il contrôle très fort sa femme qui n’a pas souvent l’occasion de sortir de chez elle. Elle n’ose pas porter plainte pour violence conjugale :
elle a peur des représailles.
Les maisons d’hébergement refusent de l’accueillir parce qu’elle est sans-papier. Pour régulariser la mère et la fille il faut passer par le père et lui permettre de reconnaître sa fille. Une procédure de régularisation de l’enfant est entreprise. La reconnaissance de paternité est établie. La garde principale est accordée à la mère.

Le centre de planning familial concerné par cette situation est spécialisé en droit familial et développe divers projets. Un membre de l’équipe accompagne un nombre important de personnes migrantes arrivées sur le territoire belge par regroupement familial qui souhaitent entamer une procédure de divorce ; mais elles n’ont aucun moyen de le faire sous peine de perdre leur statut.

Le sentiment d’isolement et les problèmes de couple que vivent ces personnes sont accentués par :

la faible maîtrise de la langue ;

la dépendance par rapport au conjoint/à la belle-famille/à la communauté ;

la place des enfants ;

le « chantage » au droit de garde des enfants ;

le manque de connaissance de la loi belge ;

le « chantage » aux papiers ;

le positionnement en tant qu’homme, mari et père /en tant que femme, épouse et mère ;

la précarité.

La situation de la jeune femme albanaise présentée ci-dessus illustre les nombreuses difficultés rencontrées sur le terrain.

La violence conjugale pour les personnes sans-papier est un casse-tête. S’il veut venir en aide sur le plan des violences conjugales, le planning doit s’intéresser aux droits des étrangers. Il est donc incontournable de collaborer avec d’autres services et d’accepter de repousser les limites du travail de centre de planning familial.

Les situations de violences et de contrôle que subit cette femme la plongent dans l’angoisse et le stress. « Oserais-je quitter mon mari violent au risque de perdre mon titre de séjour ? Vais-je garder mes enfants si je perds ma carte d’identité ? ». Il est donc important de maintenir des espaces ressourçants tels que l’atelier parents/enfants mis en place par le planning : il s’agit d’un lieu de rencontre et de convivialité à l’intention des parents du quartier et de leurs enfants de moins de trois ans. Les objectifs principaux sont la parentalité responsable, la promotion d’un comportement bien traitant, l’apprentissage du français oral et écrit en fonction de la réalité de vie des parents (savoir lire le journal de classe de son enfant, comprendre ses factures, se servir d’un ordinateur…). Les participants sont d’origines très variées : Chine, Kurdistan Irak, Guinée, Tchétchénie, Turquie, Maroc, Algérie, Congo, Ouganda, Russie, Espagne, Chili, Somalie, Djibouti.

Les difficultés sociales rencontrées sont, dans plus de 95% des cas, liées à l’échec de la vie conjugale dans un contexte migratoire : mariage gris, chantage aux papiers, divorce suite à de la violence conjugale, enfermement dans la communauté, mutilations génitales féminines, procédures de régularisation. Au fil des années, plus de 300 procédures de divorce ont été accompagnées.

Si le cadre législatif en matière de droit des étrangers est clair, il bouge régulièrement (ce qui est garanti aujourd’hui ne le sera peut-être plus dans quatre ans). Il semble important d’en comprendre les enjeux et les failles (en quoi ce droit nous aide-t-il ou nous coince-t-il ?).

Les associations n’ont pas su faire valoir tous les droits de cette dame parce que la politique d’asile et le droit familial sont indissociables et régulièrement en complète opposition. Les femmes victimes de violences de la part de leur mari et qui n’ont pas de titre de séjour sont coincées. Elles se taisent, subissent pour préserver le droit au séjour pour elles-mêmes et pour leurs enfants ; ou bien elles parlent et se retrouvent sans- papiers, dans la clandestinité, le travail au noir. Elles prennent parfois le chemin de la prostitution. Le trafic des êtres humains est en augmentation, c’est une conséquence de ce type de situation !

A l’heure d’une des plus graves crises économiques que l’Europe ait jamais traversée, l’étranger est le bouc émissaire tout désigné, la liberté de choix et l’égalité de droit sont sans cesse malmenées.

Situation n°7 : Absentéisme scolaire et illégalité


La demande vient de l’école qui constate l’absentéisme d’une élève.
L’assistante sociale du centre psycho médico-social se rend à domicile et constate des conditions de vie dramatiques : logement pitoyable, très mauvais état de santé de la maman, isolement complet.
L’aînée de la famille est souvent absente de l’école parce qu’elle accompagne son père dans tout ce qu’il entreprend pour sa famille, et sert d’interprète.

Plusieurs démarches sont entreprises par le centre psycho médico-social :

contacts avec l’avocat de la famille pour comprendre la situation ;

accompagnement du père dans ses démarches et de ce fait retour de l’élève à l’école, meilleure communication entre l’élève, la famille et l’école informée de la situation (repas de midi pris en charge par l’école, …) ;

contacts avec une société de logement mais sans succès parce que la famille est sans-papier ;

contacts avec un service qui aide les familles nombreuses mais sans succès également.

La mère finit par obtenir l’aide médicale urgente du CPAS et la famille trouve finalement un meilleur logement dans une autre ville. Ils quittent l’école mais restent toujours en contact avec le centre psycho médico-social.

Durant tout ce temps l’assistante sociale a rencontré régulièrement la famille pour la soutenir et l’informer des démarches entreprises.

Le centre psycho médico-social a travaillé le lien de confiance. De « petites choses » ont été mises en place qui ont permis à cette famille de se sentir soutenue, moins seule. La confiance a probablement été facilitée par la rencontre de cette famille à son domicile. Cette démarche peut parfois être perçue comme intrusive mais dans le cas présent elle semblait inévitable sinon la rencontre n’aurait jamais eu lieu.

La demande de départ était le décrochage scolaire mais les démarches accomplies sont bien plus vastes. L’absentéisme n’est souvent qu’un symptôme de problèmes beaucoup plus complexes. Pour y faire face, le centre psycho médico-social a dû élargir le cadre de ses missions et modifier son fonctionnement habituel (visite à domicile). L’équipe du centre psycho médico-social a soutenu les initiatives prises par l’assistante sociale, considérant qu’elles entraient dans le cadre du travail en centre psycho médico-social.

Cependant, si le lien qui s’est créé entre le professionnel et cette famille est incontestablement fécond, il n’en demeure pas moins précaire et cette précarité nous dérange. Le sort de cette famille ne devrait pas dépendre de la sensibilité d’une personne ou d’une équipe. « C’est trop fragile ». Le manque de réponses structurelles de la part de la société nous met mal à l’aise.

La position de l’école tout entière est également un élément instable. Les familles ne savent pas si l’école a pris l’option de la résistance. Certaines familles ne sont pas expulsées grâce au soutien de l’école, du village qui se mobilise autour d’une famille bien concrète, humaine avec des visages et des noms. Le discours général sur des étrangers anonymes qui viennent manger le pain des belges n’a plus aucun sens face à une situation vécue de si près.

Peut-on parler de décrochage scolaire alors qu’il n’y a rien qui a été mis en place pour permettre à cette jeune élève d’accrocher ? L’école accueille tous les enfants (légaux ou non). Le rôle du centre psycho médico-social est donc bien de soutenir l’accrochage scolaire.

Situation n°8 : Une famille exclue du CPAS

L’histoire qui suit a également comme point de départ le constat d’un décrochage scolaire. Elle commence par une rencontre avec la mère dans le bureau du centre psycho médico-social.
Cette maman est à bout. Exclue du CPAS parce qu’elle est soupçonnée de toujours vivre avec son mari dont elle est divorcée, elle ne perçoit plus aucun revenu. Elle a des problèmes de santé et n’est plus suivie. Son logement est insalubre. Le jeune élève reste auprès de sa mère parce qu’elle ne va pas bien.

Plusieurs démarches sont entreprises par le centre psycho médico-social :

contact (difficile) avec le généraliste ;

recherche d’une maison médicale – trouvée après trois refus (complet) ;

repas de midi pris en charge par l’école pour l’enfant et colis alimentaire pour la mère ;

Visite d’une Aide en milieu ouvert avec le jeune.

Ici aussi le centre psycho médico-social crée du lien avec la mère mais la situation dégénère. Le père menace de se suicider et de brûler la maison. Le dialogue entre l’assistante sociale et le père se poursuit et il finit par accepter de se faire soigner. Cependant, tous les centres de santé mentale sont complets. Le bouche à oreille finit par porter ses fruits et un psychiatre accepte de recevoir le père qui ne se présente finalement pas au rendez-vous.

L’assistante sociale fait appel à l’équipe. Elle a des inquiétudes pour le jeune et, en concertation avec la famille, prend la décision d’appeler le Service de l’aide à la jeunesse. Celui-ci appelle la police qui arrête le père.

Le jeune n’est plus revenu à l’école.

La mère retrouve ses droits vis-à-vis du CPAS.

Soutenir le lien de confiance est primordial. C’est lui qui permettra d’être créatif, de sortir avec les familles des sentiers battus.

Réfléchir à ces situations en équipe est important. Travailler en réseau autour de problématiques communes comme le décrochage scolaire peut être fécond tout en sachant que chaque professionnel agit en fonction de ses missions spécifiques.
Le manque de réponses structurelles doit parfois nous amener à élargir nos missions. La modification du cadre de travail devient inévitable. Parfois la modification est ponctuelle parfois elle devient la norme. « Si les travailleurs sociaux ne bougent pas un peu plus que d’habitude, personne ne le fera. On va un peu plus loin dans les démarches et ça devient la norme ». Notre rôle est également d’interroger notre institution pour réfléchir à ce cadre.

Cet article est paru dans la revue:

Santé conjuguée, n° 71 - juillet 2015

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