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Bien sûr…


Santé conjuguée n° 44 - avril 2008

Deux colloques internationaux consacrés aux projets locaux et régionaux de santé se sont tenus à Amiens en octobre 2001 et à Québec en octobre 2004. Ces deux colloques avaient pour vocation de réunir les acteurs de terrain, les décideurs et les représentants du domaine de la recherche. En continuité avec les préoccupations et les enjeux soulevés à Amiens et à Québec, l’asbl Sacopar (Santé, communauté et participation) a organisé à Mons, les 2, 3 et 4 avril 2008 un colloque qui a voulu poursuivre la réflexion et contribuer à approfondir la compréhension des différents éléments liés à la création et à l’implantation des programmes de santé dans des contextes et environ-nements variés. En guise d’apéritif, nous vous proposons un billet d’ambiance de Christian Legrève.

Ce n’est pas l’OMS (la vraie !), ce n’est pas la WONCA (association internationale de la médecine de famille), ce n’est pas la CMT (Confédération mondiale du travail). C’est tout ça à la fois. C’est quelque chose de transversal à tout ça. Et c’est essentiel, parce que les questions de santé sont transversales. Encore une fois, pour ceux du fond, qui n’ont pas encore compris ? La santé, c’est transversal, ça ne se réduit ni à la maladie, ni au soin, c’est une dimension fondamentale des politiques publiques. Ça prend place dans un système, dont la cohérence conditionne l’efficience des interventions. Leur coût, chez nous, puisqu’on est riches, leur impact dans le Sud, puisqu’ils n’ont pas le sou… mais ça concerne aussi les professionnels du soin, les écoles qui les forment, les chercheurs et des réseaux associatifs, et les acteurs syndicaux. Alors, il y a un réseau qui se cherche, des partenaires qui se choisissent. C’était à Mons, début avril, et c’était déjà la troisième édition de cette ’grand messe’ des politiques de santé. Car, bien sûr, c’était une ’grand messe’. Pour la Fédération des maisons médicales, ça fait du bien au moral et à l’égo de voir qu’on n’est pas tout seuls à avoir tout compris. On est dans un mouvement qui nous porte et qu’on soutient. Certes, le contenu de nombre de communications fait, pour nous, partie des acquis, des évidences, mais l’assise large donnée à nos idées en pointe dans une manifestation comme celle-là leur apporte une autre légitimité. On se rend compte que nos tartes à la crème ne nous appartiennent pas en propre. C’est tout à fait réjouissant d’avoir croisé là, outre des membres de la cellule politique et des travailleurs de la structure de la Fédération, des bêtes travailleu-se-rs de maison médicale qui viennent se donner d’autres horizons. Dans une rencontre comme celle-là, il n’est pas possible d’ignorer les aspects structurels, culturels, politiques des systèmes de santé. Le rassemblement d’un large panel de participants (500 personnes, 130 pays) donne une ouverture de vue sur les questions de santé. Du coup, les leviers pour améliorer la santé deviennent plus évidents. Et les obstacles aussi. Bien sûr, dans ce genre de rencontres, beaucoup de gens se gargarisent de mots, de concepts, d’idées fortes, de propos cinglants. Bien sûr, certains semblent parler une autre langue que la nôtre. Bien sûr, il y avait là la crème et la lie de ce qui fait la santé. Des promoteurs inventifs, des chasseurs de subventions, des chercheurs éclairants, des décideurs éclairés, des conceptologues oiseux et des politiques cyniques. Bien sûr, on a retrouvé, autour du buffet, les habituelles confrontations entre experts-qui-planent et gens-duterrain-les-deux-pieds-dans-la-réalité. Mais c’est bien le propre de débats sur les politiques de santé. Et puis, la santé, tous ces gens y participent. Ils sont légitimes. Il faut et on peut faire avec. Les politiques de santé, ce n’est pas un thème très sexy. Il est pourtant incontournable, et il n’y a pas tellement de lieux où il se discute. Cette initiative de mise en réseau international de tous les acteurs est unique et importante. Trois matinées de séances plénières. Des conférences-débat, des tables rondes. On y a beaucoup parlé des inégalités en santé liées aux aspects structurels des politiques. Selon qu’on vit là ou là, qu’on appartient à tel ou tel groupe, l’accès aux soins et la cohérence de l’organisation du système de soin déterminent des inégalités concrètes, en terme de mortalité et de morbidité. On a aussi évoqué la difficulté de concevoir et de mettre en oeuvre des politiques publiques qui articulent de manière efficiente des dynamiques locales réellement participatives, et des objectifs de santé publique au niveau national ou fédéral. Enfin, on a examiné l’impact des modes de financement des projets locaux. Et deux après-midi d’ateliers et de séminaires, autour de la présentation d’expériences concrètes. Le diagnostic local, la participation communautaire, la formation et les compétences des acteurs locaux, les réseaux, les associations de patients, les centres de santé, la contraception, l’évaluation, la définition du territoire, la place de la prévention… Une réaction entendue à d’innombrables reprises : la stupéfaction face au choc entre les projets présentés par des participants de pays du Sud, et ceux du Nord. On mesure tellement concrètement l’invraisemblable différence de moyens disponibles que de nombreuses personnes d’ici se sentaient mal à l’aise, se demandaient ce « qu’ils » pouvaient penser. Difficile de ne pas mettre en avant le plaisir, la disponibilité, la convivialité dans laquelle ces rencontres se sont déroulées. Un air de printemps, d’insouciance. Partout, des sourires. Et des rencontres, dans tous les coins, des gens passionnés, qui prolongent les débats, qui refont le monde. Cette convivialité était soutenue par la tonitruante présence d’un pitre d’état (c’est moi !) qui a présenté, lors de la séance de clôture, un résumé filmé de l’atmosphère de ces quatre jours. On ne peut pas, non plus, passer sous silence la prestation de l’OMS – Orchestre Mélangé de la Santé, lors de la soirée d’ouverture à l’hôtel de ville. Cacophonie, vocifération, mines réjouies et petits fours. Que du plaisir, après deux séries consécutives de discours politiques. La participation au colloque était honteusement chère. Je ne sais pas comment on peut organiser une telle manifestation sans engager des budgets très conséquents, qui n’ont pas pu être totalement pris en charge par les commanditaires publics. On notera aussi que plusieurs participants du Sud bénéficiaient d’une bourse finançant leur inscription (c’est bien le moins qu’on puisse faire) et qu’on n’a pas vu la moindre marque de médicament ou d’appareil d’imagerie. Ça peut aussi sembler évident, mais c’est une évidence qui relève d’un choix, qui devient rare. Les rencontres de Mons constituaient la troisième édition de ce colloque, qui était passé par Amiens en 2001 et Québec en 2004. A l’issue de la séance de clôture, Louise Bouchart a pu annoncer officiellement l’invitation faite par la minorité francophone au Canada anglophone pour l’accueil de la prochaine édition à Ottawa en 2011. Je ne résiste pas au plaisir de souligner que la question de la formation des professionnels de santé est un des quatre axes annoncés pour cette édition 2011. Comment les intervenants sont-ils préparés à intervenir sur le terrain communautaire, en intersectorialité ? Allez ! Dès demain, on prépare la session 2008 de l’Université Ouverte en Santé de la Fédération des maisons médicales. Ça tombe bien, l’Université Ouverte se veut un instrument permanent d’émancipation des acteurs professionnels et non professionnels de la santé, en collaboration avec le réseau et les enseignants de formations initiales. Pour lancer ce projet, on écrivait, en 2006 : « Bien des colloques, bien des tables rondes, bien des articles reviennent sur ce point. La formation atteint un haut niveau de compétence technique et de connaissance théorique, mais prépare mal à l’intervention sur le terrain. C’est affaire de contenu, de méthode d’intervention, et aussi de préparation à la rencontre interpersonnelle ». Chic, on va aller au Canada…

Documents joints

Cet article est paru dans la revue:

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