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Au coeur de la vi(ll)e, le vélo…


Santé conjuguée n° 50 - octobre 2009

Le projet du CPAS de Namur présenté ici est un bel exemple de rencontre des paradigmes différents : c’est au nom de l’insertion sociale qu’un service du CPAS met en place un projet promoteur de santé, avec le soutien de la Fondation Roi Baudouin dans le cadre du « Bien-être et (de la) santé du coeur auprès de la population ».

Nous constatons que la précarité entraîne souvent la solitude, tant familiale que sociale. La finalité d’un Service d’insertion sociale (SIS) est de permettre à autrui de rompre cet isolement, d’améliorer sa qualité de vie et de créer du lien et de la reconnaissance par le biais d’activités collectives et communautaires. En effet, de faibles ressources financières ne doivent pas rendre impossible la pratique d’activités extérieures. L’objectif est donc d’atteindre plus de bien-être et une meilleure qualité de vie. Au travers de ses activités, le SIS veut inciter la personne à devenir plus autonome et à mieux participer à la vie en société en général. Par ses projets, il ambitionne d’offrir à chaque personne la possibilité de se sentir valorisée et reconnue dans ses aptitudes, d’être porteuse et actrice de son projet de vie, d’écouter ses besoins et ses désirs. C’est dans ce contexte que le projet « Bien-être et santé du coeur auprès des personnes défavorisées » lancé par la Fondation Roi Baudouin a pu être développé et trouver toute sa place. Le SIS, géré actuellement par une coordinatrice, a mis en oeuvre tous les moyens nécessaires pour donner naissance à un premier atelier : « le vélo au coeur de la vie ».

« Le vélo au coeur de la vie »…

L’idée de cet atelier était de promouvoir la santé, dont le CPAS de Namur est très soucieux, par la pratique du vélo. L’avantage d’une telle démarche est de pouvoir associer plusieurs dimensions à la santé :
  • diminuer le curatif par de la « prévention éducative » ;
  • socialiser par le groupe avec pour objectif que celui-ci devienne pérenne et autonome ;
  • susciter l’intérêt culturel par la découverte ;
  • donner l’occasion d’être en contact direct avec l’environnement ;
  • sensibiliser à l’écologie et à une alimentation saine ;
  • prendre ou reprendre goût à la pratique d’un sport peu coûteux.
Cette démarche préventive visait donc à apporter aux populations défavorisées des outils, des moyens, des connaissances, une sensibilisation, toutes choses pour garantir leur intégrité physique et psychique, non seulement par la pratique même du vélo, mais aussi par des activités parallèles sous-jacentes telles qu’expertises médicales, informations diététiques, coaching sportif… Le projet visait à modifier, au long d’un stage de trois mois, des comportements néfastes et à en promouvoir d’autres, plus favorables à la santé. Et ce temps d’initiation pourrait, par la suite, renvoyer à un « projet santé » plus vaste et de plus longue durée.

De l’initiation…

Le SIS a commencé par réaliser une séance d’information pour le public correspondant aux critères de l’insertion sociale. Dans les 60 personnes présentes lors de cette information, 20 se sont inscrites pour ce qui allait devenir « l’atelier vélo ». C’est finalement un groupe de 10 personnes qui s’est constitué en date du 3 avril 2009 pour les rencontres hebdomadaires du vendredi matin. La première rencontre fut consacrée à préciser le contexte et la philosophie du projet. D’abord, le groupe fut questionné sur ses objectifs à poursuivre cet atelier. Les réponses étaient unanimes : rencontrer des personnes, créer des liens et améliorer sa santé. Ensuite, la coordinatrice a présenté les objectifs de l’institution ainsi que les acteurs partenaires de ce projet. Enfin, il fut décidé de l’élaboration d’une charte lors de la rencontre à venir, dans l’idée que chaque personne puisse être aussi autonome que possible et d’être à l’initiative de tous les aspects de la vie du groupe. De fil en aiguille, et dès la deuxième rencontre, les candidats ont été amenés à élaborer leur programme, à exprimer leurs attentes et à s’investir dans la prise de décisions. C’est donc en fonction de leurs désirs que les étapes décrites se sont succédées. Ils ont été reçus individuellement par un médecin du service provincial de la médecine sportive afin de s’assurer, par un test à l’effort, que cette activité n’impliquait aucun danger quant à leur état de santé. Entre ceux qui ne savaient pas du tout rouler, et les autres qui ne roulaient plus depuis des années, aucun ne pratiquait régulièrement un sport. Les candidats ont été initiés à la mécanique du vélo. Grâce à l’Entreprise de formation par le travail (EFT), section « vélo » du CPAS, ils ont appris, entre autres choses, à regonfler un pneu, poser une rustine, changer une chambre à air ou adapter la selle. C’est par cette filière de seconde main que chacun s’est vu confier un vélo. Une kinésithérapeute travaillant dans le monde des maisons médicales leur a enseigné des exercices préparatoires à réaliser avant toute activité physique afin de ménager son corps. Un diététicien les a également reçus pour leur transmettre une information sur une alimentation saine et équilibrée. Besoins nutritifs du corps, pyramide alimentaire, place de l’alimentation dans la société… quantité d’éléments ont été source d’échanges passionnants. L’ambiance est agréable et une relation de confiance s’installe progressivement au sein du groupe.

… à la confirmation

Le Groupe d’action et de recherche des cyclistes quotidiens – GRACQ et l’asbl Provélo de Namur ont, lors de plusieurs séances, initié les débutants et emmené le groupe à vélo dans la circulation urbaine afin de lui apprendre le code de la route et de lui faire adopter une conduite sécurisante et préventive. La réaction de chaque participant était fabuleuse car très attentive et très soucieuse des autres, afin que chacun trouve sa place et poursuive l’aventure. Par après, c’est sans animateurs professionnels que le groupe pédale en ville, et ce sont des balades culture et nature dont le réseau autonome des voies lentes (RAVEL) prend souvent le relais des parcours urbains. Ainsi, à partir de la fin août 2009, quatre balades d’une journée entière ont été organisées avec l’asbl article 27 de l’arrondissement de Namur. Le menu de ces excursions, concocté avec l’animatrice culturelle est à l’image des désirs du groupe. Directement, la composante multiculturelle est exploitée. C’est pourquoi la première journée associe la balade en pleine nature avec la dégustation de plats de chez nous et d’ailleurs préparés par les participants. Et tout le monde relève le défi ! La seconde journée part à la découverte d’une ferme biologique et d’un musée. Tandis que la troisième journée va à la rencontre d’une conteuse. Dans une ferme, assis sur des ballots de paille et séchant de la pluie, le groupe plonge pendant une heure trente dans un univers féerique et fabuleux. La dernière journée, elle, est la plus citadine et axée sur les richesses culturelles trop peu connues de notre belle ville de Namur : maison des contes, maison de la poésie, musée Félicien Rops, maison des arts forains… Au terme du projet, les candidats sont demandeurs de poursuivre cette activité, ce qui a fait germer l’idée de créer un atelier vélo permanent au sein du SIS. Un second groupe se constituera en octobre. La richesse de ce projet est de voir combien, outre l’aspect santé mis en avant, les personnes se sont investies et ont fait preuve d’une grande solidarité dans le respect de chacun. Une véritable alchimie est née entre les membres. Il s’agit là d’une réelle reconnaissance sociale pour ces derniers et d’une ouverture vers le monde extérieur. Lao Tseu disait : « Le plus grand des périples commence toujours par un premier pas »… Nous dirons que pour nous, il a peut-être commencé par un premier coup de pédale.

Documents joints

Cet article est paru dans la revue:

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